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The Mayor of Casterbridge (Grande-Bretagne, 1978)

03 vendredi Nov 2017

Posted by Greg in Mini-série

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Alan Bates, Anna Massey, David Giles, Dennis Potter, drame campagnard, Jack Galloway, Janet Maw, period drama, Richard Owens, Ronald Lacey, série anglaise, Thomas Hardy, XIXe siècle

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C’est l’une des rares séries de Dennis Potter qu’il me restait à visionner: un period drama de la BBC, adaptation d’un roman de Thomas Hardy appartenant au cycle des contes du Wessex (des histoires situées dans des lieux fictifs de la campagne anglaise). La minisérie est de facture classique, on est donc bien loin des productions hautement originales et personnelles de Potter telles que Pennies from Heaven (diffusée la même année) ou encore The Singing Detective. Cependant, malgré une réalisation austère (de David Giles, qui dirigea également une remarquable minisérie historique, The first Churchills, avec John Neville et Susan Hampshire) j’ai trouvé cette version réussie, car prenant le temps d’explorer la psychologie des protagonistes (en 7 épisodes de 45 minutes, soit une durée bien plus longue que pour l’adaptation de 2003 avec Ciarán Hinds produite par ITV, un téléfilm recommandable également même si il manquait un peu d’émotion) et demeurant on ne peut plus fidèle à son modèle littéraire (les modifications ne portent que sur quelques détails de faible importance). La distribution est inégale mais Alan Bates, dans le rôle principal, livre une prestation parfois théâtrale mais globalement satisfaisante.

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Il s’agit d’une tragédie, l’histoire d’un entrepreneur, Michael Henchard, de son ascension sociale et de sa déchéance due à son comportement inconsidéré et à ses erreurs de jugement répétées. Au début du récit, il est un modeste botteleur itinérant, sans le sou et porté sur l’alcool. Arrivé à Casterbridge le jour d’une fête de village, il vend aux enchères sa femme Susan (conformément à une coutume anglaise qui choque aujourd’hui, remontant au XVIIe siècle et ayant lieu en cas de mésentente conjugale) et son enfant en bas âge, les cédant pour cinq guinées seulement à un marin de passage, Richard Newson (Richard Owens), avant de réaliser, une fois dessaoulé, qu’il regrette amèrement de l’avoir fait. Il jure alors de ne plus toucher désormais à la bouteille. La suite de l’intrigue se déroule dix-huit ans plus tard, alors qu’il est devenu un citoyen respectable, maire de Casterbridge et florissant marchand de grains. Il a réussi à se faire passer pour veuf et à dissimuler cette tâche infâme appartenant à son passé. C’est alors que Susan réapparait avec sa fille Elizabeth-Jane (Janet Maw). Michael, qui projetait d’épouser Lucetta (Anna Massey), une femme de bonne famille d’origine française, est contraint de s’unir à nouveau à Susan, venue vers lui car elle se trouve à présent dans le dénuement.

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Susan n’est pas franche avec Michael, elle ne lui a pas précisé qu ‘Elizabeth-Jane est en réalité la fille qu’elle eut avec Newson après le décès de son premier enfant, un « détail » qu’elle stipule dans une lettre ne devant être décachetée par son époux qu’après sa mort. Le maire de Casterbridge, qui s’est attaché à celle qu’il croit être de son sang, est abasourdi en apprenant la vérité lorsque sa femme (qui était de complexion égrotante) vient de mourir, d’autant plus qu’il lui a affirmé quelques instants auparavant qu’elle était bien sa descendante. Il décide alors de dissimuler à Elizabeth-Jane ce qu’il sait d’elle, car il souhaite la garder auprès de lui et faire comme s’il était son vrai père, la couvrant de l’amour paternel qu’il n’a pu prodiguer à sa véritable progéniture.

Peu avant, un autre personnage est apparu au village, Donald Farfrae (Jack Galloway), un jeune écossais ambitieux. Marchand de céréales avisé, au fait de l’évolution des techniques agricoles, ce dernier se distingue de Michael par une allure vigoureuse et dans son métier, par une approche plus moderne et pragmatique du commerce des grains. Le maire le prend à son service, mais il s’avère vite qu’il dépasse en popularité et en efficacité son employeur. Jaloux, Michael entre en conflit avec lui, ce qui se traduit par la fin brutale de leur association. Ils deviennent concurrents, mais Donald ne tarde pas à supplanter son rival en affaires.

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Lorsque Lucetta revient s’installer dans le Wessex, Michael la poursuit de ses assiduités mais, là encore, Donald lui fait de l’ombre, car elle s’éprend de ce dernier et décide finalement de l’épouser. Michael, perclus de dettes, pensait se renflouer par le truchement d’un mariage d’intérêt avec Lucetta: il se retrouve ruiné et sombre à nouveau dans l’alcoolisme, alors que sa réputation en a déjà pris un coup, car la mise aux enchères de feue son épouse est devenue de notoriété publique. A l’opposé, le parcours de Donald est ascendant, il rachète l’entreprise de Michael et la fait fructifier, il devient à son tour un notable respecté et le nouveau maire de Casterbridge. Il tend la main à son rival, lui proposant de l’aider financièrement, mais celui-ci, drapé dans sa dignité, refuse tout net. Michael se marginalise, devient un poivrot juste bon à trouver des petits boulots saisonniers au service d’exploitants agricoles pour survivre. Le coup de grâce lui est porté lorsque Elizabeth-Jane apprend ce qu’il lui a dissimulé si longuement sur ses origines et accepte d’épouser Donald. Henchard, rongé par le remord, ne s’en remettra pas. Il mène dès lors une existence à l’écart de la société, tel un paria honteux de sa condition.

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Plusieurs éléments ressortent de façon flagrante dans cette adaptation. Tout d’abord, ce sont les figures masculines qui sont le plus mises en avant. Les personnages féminins ont bien peu de relief, à l’exception de Lucetta (surtout présente comme élément catalyseur de l’acrimonie d’ Henchard envers Farfrae, mais également, de par sa distinction et son aisance dans les milieux mondains, comme modèle pour la fille de Susan) et surtout d’Elizabeth-Jane, dont la fraîcheur et l’innocence contraste avec le caractère dissimulateur et les arrière-pensées de sa mère et de son supposé père. Donald Farfrae est durant toute la fiction un protagoniste irréprochable: il contribue grandement dans un premier temps à la prospérité de Michael; lorsqu’il demande avec candeur la main de Lucetta, il ignore que ce dernier a des vues sur elle, lorsqu’il devient patron, il s’avère plus juste envers ses employés (ceux-ci sont mieux rémunérés et ne subissent plus de punitions humiliantes s’ils commettent des fautes), plus charismatique et judicieux dans ses investissements. Dans la détestation que lui voue Henchard, il y a à n’en pas douter une grande part de jalousie: plus cultivé et d’un tempérament pondéré, Farfrae constitue le portrait en négatif de Michael, en somme il est tout ce qu’il aurait voulu être.

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Michael Henchard est bien le personnage le plus complexe de la minisérie. On peut interpréter sa triste destinée de différentes façons, le voir comme un type malchanceux, victime de son manque d’éducation et de son impulsivité naturelle. On peut aussi considérer sa déchéance comme la résultante d’un acte moralement répréhensible (la vente de sa femme) comme de son attitude vindicative sur le plan personnel comme professionnel et penser qu’il n’a finalement que ce qu’il méritait. Pour ma part, je le perçois surtout comme un homme qui ne s’aime pas., qui est hanté par ses fautes passées et cherche plus ou moins inconsciemment à se punir pour ce qu’il a fait. Un passage est particulièrement révélateur: se regardant dans un miroir, il ébauche le geste de se trancher la gorge, puis se ravise. Par ses actions, il semble opérer une sorte de suicide social: c’est comme s’il voulait que s’efface le notable respectable pour laisser place au paysan bourru et sans éducation qu’il fut et qu’il est demeuré dans son esprit.

Il est par ailleurs avide de reconnaissance de la part des castes supérieures, comme le montre ses discours emphatiques à la mairie et comme l’illustre sont attitude cérémonieuse lorsqu’un membre de la famille royale effectue une visite à Casterbridge, où celui-ci est reçu en grande pompe et où Henchard tient absolument à le saluer en public. On sent qu’il veut se prouver qu’il est devenu quelqu’un, mais qu’au fond il manque d’assurance et d’estime de soi (une scène s’avère à cet égard révélatrice, où il visite un vieux devin pour lui demander de prédire le temps qu’il fera dans les prochains jours, en vue de l’aider à prendre une décision importante dans la gestion de son affaire céréalière).

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Deux scènes en particulier montrent bien la faiblesse intrinsèque du personnage, alors qu’elles le placent de prime abord en position de force. Dans l’une, on assiste au procès d’une paysanne ayant commis un larcin, où le maire fait preuve d’éloquence pour la fustiger avant que celle-ci, considérant que la meilleure défense est l’attaque, ne révèle ce qu’elle sait à propos de la vente aux enchères de l’épouse, lui causant un trouble profond. Dans l’autre, il rencontre Farfrae avec la ferme intention de se battre avec lui et s’attache un bras en guise de handicap, affirmant ainsi qu’il est conscient de sa supériorité, mais il ne sort pas gagnant de la confrontation, finissant par battre en retraite piteusement.

Un autre thème abordé dans la fiction est celui de la vindicte populaire, représentée par la scène du charivari (« skimmington ride » en Angleterre), une procession moqueuse où les paysans font du raffut en portant les effigies de Lucetta et d’Henchard, accusés d’avoir entretenu une correspondance amoureuse secrète. Ce charivari est organisé par Joshua Jopp (Ronald Lacey), un ancien employé de Michael, congédié jadis pour laisser la place à Farfrae et devenu nécessiteux, qui se venge ainsi de son ex-patron à qui il fut autrefois dévoué et pour qui il était toujours de bon conseil. Mais Michael n’a t-il pas tout fait pour être détesté par ces pauvres péquenauds, qui lui rappellent ses origines modestes?

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En conclusion, même si la forme est bien désuète, c’est une adaptation qui mérite d’être vue encore aujourd’hui. Le cadre dépeint est celui d’une ruralité primitive, marqué par les superstitions et de criantes inégalités sociales, vestiges de la féodalité, à l’instar d’une autre minisérie britannique produite cette même année 1978, The Mill on the Floss (adaptation cette fois d’une œuvre de George Eliot). Dennis Potter y est certes méconnaissable, sauf lors de rares passages: flashbacks ou monologues montrant les obsessions du personnage principal, symbolisme et allusions shakespeariennes (en particulier la scène où l’effigie de Lucetta flotte sur une rivière au gré du courant, telle l’Ophélie préraphaélite de John Everett Millais). Alan Bates a visiblement été inspiré par son rôle (qu’il considérait comme une de ses meilleures interprétations), qu’il incarne certes en surjouant parfois, mais avec beaucoup de conviction. On pourra objecter que le livre reste supérieur à ses diverses adaptations, mais cette version est sans doute à ma connaissance (je n’ai certes pas encore vu le film muet de Sidney Morgan datant de 1921) la plus fidèle et détaillée à ce jour.

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Play for Today [saisons 4 à 6] (Grande-Bretagne, 1974-1976)

08 dimanche Mai 2016

Posted by Greg in Téléfilm

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Alan Clarke, David Rudkin, Dennis Potter, Hugh Whitemore, John Mortimer, Mike Leigh, Peter McDougall, Play for Today, Roy Minton, Tom Hadaway

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Deuxième volet de ma rétrospective des fictions britanniques diffusés dans le cadre de Play for Today dans les seventies. J’ai sélectionné pour cette période huit téléfilms (sur les 22 que j’ai été en mesure de visionner au fil des années), dont quelques grands classiques outre-Manche qui semblent hélas être restés méconnus en France, y compris le pilote d’une fameuse série judiciaire qui reste une des créations les plus brillantes de la télévision anglaise. Dans la lignée de Play for Today, d’autres programmes méritent aussi d’être explorés, comme Play of the Month, Screen One, Screen Two, qui proposaient bien des fictions ambitieuses de qualité: j’en évoquerai peut-être certaines dans un futur article l’an prochain.

Joe’s Ark

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Joe Jones (Freddie Jones) est un petit commerçant, propriétaire d’une animalerie. L’homme est très pieux mais voit sa foi remise en question par un coup du sort: sa fille Lucy (Angharad Rees) est atteinte d’un cancer en phase avancée, sans espoir de rémission. Joe a tendance à se refermer sur lui-même. Dans son échoppe, il parle à ses seuls compagnons, sa bruyante ménagerie, incluant un perroquet au bavardage intempestif. Le prêtre de la paroisse, qu’il a récemment houspillé publiquement lors d’une messe, lui rend visite, cherchant à le réconcilier avec la croyance, mais Joe continue à douter de la miséricorde divine. John, étudiant à Oxford et petit ami de Lucy, vient lui rendre visite et cherche à réconforter la jeune fille alitée à l’étage, mais celle-ci, consciente de la gravité de son état, est fataliste et extrêmement lasse. Le fils de Joe, Bobby (incarné par Dennis Waterman), un comédien raté brouillé depuis longtemps avec son père, interrompt sa tournée pour se rendre au chevet de sa sœur, mais parviendra-t-il à temps pour la voir en vie ?

C’est une histoire émouvante que conte ici Dennis Potter. Il s’agit sans doute d’une de ses fictions les plus accessibles. A cette époque, il a certes produit des téléfilms plus spectaculaires (Double Dare, en particulier, une expérimentation intéressante traitant de la confusion entre réalité et fiction au travers d’une intrigue à la chute surprenante). Cependant, j’ai apprécié la simplicité de Joe’s Ark et la profondeur psychologique des personnages. Joe Jones doute de sa foi, mais ne l’abandonne jamais vraiment, car il a besoin de cette béquille pour trouver un sens à l’existence malgré les aléas du destin. Mais c’est surtout le portrait de Lucy qui est marquant: moribonde, elle prend conscience du caractère éphémère de l’existence et de la futilité des préoccupations quotidiennes de ses proches  comparé à l’imminence de sa propre mort. Plus rien pour elle n’a d’importance, ni la littérature qui la passionnait, ni les mots tendres de John, qui sonnent creux à présent pour elle. Les soucis très terre à terre de Bobby, englué dans une carrière artistique médiocre, paraissent également dérisoires face à sa volonté désespérément vaine de survivre. Un mélodrame, certes, mais surtout une vision saisissante des souffrances psychiques de l’agonie.

Penda’s Fen

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Spencer Banks incarne Stephen, un adolescent de 17 ans, fils d’un pasteur, qui se pose des questions sur ses croyances religieuses. Issu d’un milieu conservateur, il croit au caractère sacré du mariage, souhaite faire une carrière militaire et se méfie des idées socialistes. Il se met à douter de ses valeurs lorsqu’il découvre l’existence de rites paganiques pratiqués dans son pays dans un lointain passé, des croyances révolues que son père semble étudier avec intérêt. Sujet à des visions persistantes (créatures surnaturelles, anges ou démons, mais aussi rencontre avec son compositeur favori, Elgar et même avec le vieux roi païen Penda), Stephen est peu à peu amené à redéfinir son identité. Remontant à des sources antérieures au christianisme, il a la révélation d’une culture ancestrale  venant bousculer sa vision de l’existence. Par ailleurs, il découvre qu’il est un enfant adopté et, simultanément, son penchant pour l’homosexualité. Tout cela contribue à la crise d’adolescence spirituelle et philosophique que traverse Stephen,  de plus en plus hanté par un passé mythifié mais au fond plus authentiquement britannique à ses yeux .

Ce téléfilm écrit par David Rudkin et filmé par Alan Clarke est un véritable OTNI. Baignant dans une atmosphère surnaturelle, marqué par le symbolisme des nombreuses visions de Stephen, c’est une fiction qui aurait du mal à s’exporter en France car elle évoque les racines identitaires oubliées du peuple anglais, multipliant les références historiques à un lointain passé qui nous est peu familier. Il est cependant intéressant de suivre le cheminement de Stephen, sa quête d’un retour aux sources débutant par des recherches anodines sur l’étymologie des toponymes locaux ou l’examen des ouvrages occultes de la bibliothèque paternelle et débouchant sur des visions grandioses (comme l’apparition imposante du roi Penda à la fin) ou terrifiantes (une scène dérangeante montre un rite sacrificiel où des adeptes d’une religion païenne sont mutilés sur un autel, leurs mains tranchées). Penda’s Fen, tout juste édité en DVD Blu-ray (tout comme les films d’Alan Clarke qui bénéficient d’un coffret DVD), n’est pas vraiment une fiction qui me parle en tant que français mais constitue une œuvre ésotérique ambitieuse, propre à inciter les britanniques à redécouvrir les racines pré-chrétiennes de leur culture.

Funny Farm

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Une fiction se déroulant dans un hôpital psychiatrique, qui suit le tour de garde d’un infirmier, Alan Welbeck (joué par Tim Preece) et s’attache au comportement des différents patients, tout en dressant un constat désabusée de l’état de la psychiatrie en Grande-Bretagne en 1975 (faiblesse des traitements, des infrastructures, sous-effectifs…). Une nouvelle fois réalisé par Alan Clarke, ce téléfilm de Roy Minton (qui lui-même a fait un séjour pour alcoolisme dans un asile) est austère mais intelligemment scénarisé. Il montre, outre le comportement obsessionnel et parfois comique de certains patients (il y a par exemple un jeune homme introverti qui joue aux échecs contre lui-même de façon compulsive, ou encore une femme atteinte du syndrome de Gilles de la Tourette qui veut toujours emprunter des cigarettes à ceux qu’elle croise), la profonde détresse des malades.

Ceux-ci sont conscients de leurs désordres mentaux et sont la proie de poussées d’angoisse, cherchant à dissimuler leur anxiété derrière une gaieté de façade. Un personnage se détache, Arthur (Allan Surtees), peut-être autobiographique car son parcours rappelle celui de Roy Minton. Arthur, sujet à une addiction à l’alcool, doit quitter sous peu l’établissement mais il souhaite farouchement rester interné, pensant qu’il retomberait dans l’alcoolisme une fois dehors. Même s’il sait le traitement prodigué par les psychiatres peu efficace, il supplie le personnel de le garder, ne croyant pas en sa capacité à se prendre en charge et éprouvant une certaine honte de sa condition. Le téléfilm souligne l’isolement des patients grâce à des plans larges les montrant perdus dans de grandes pièces aux murs nus, chichement meublées. La qualité de l’interprétation et des protagonistes au comportement crédible font de ce film, décrivant certes des pratiques médicales datées, une singulière réussite.

Just Another Saturday

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Le sujet est ici la marche des orangistes de Glasgow, vue au travers des yeux d’un jeune partisan, John (joué par John Morrisson), qui pratique le twirling bâton. John est un adolescent qui cherche sa voie, il désire s’intégrer à une communauté fortement structurée mais n’a pas réellement de convictions politiques ou religieuses. Pour lui, la parade est un spectacle, un défoulement joyeux en quelque sorte: il ne perçoit pas l’arrière-plan historique de la manifestation, ni l’attitude intolérante de certains participants. Lorsque la procession, passant dans un quartier catholique, dégénère en affrontements violents, John prend conscience qu’il n’est pas vraiment à sa place. D’autant plus qu’il est bon camarade avec des catholiques, avec qui il a sympathisé dans un pub. John, mêlé ensuite à un règlement de comptes sanglant et poursuivi dans les rues par un policier qu’il sème in-extremis, choisit de prendre ses distances avec les orangistes, tandis que, sur le plan familial, il se rebelle contre l’autorité paternelle.

Visuellement, c’est un téléfilm marquant: tourné lors d’une vraie parade des orangistes, il nous immerge complètement dans cette manifestation annuelle. La réalisation de John Mackenzie est excellente, offrant des plans détaillés des différents participants. La mise en scène souligne le décalage de John avec les autres processionnaires. Alors que ceux-ci forment un ensemble compact, d’une discipline toute militaire, John apparaît comme un jongleur fantasque en tête de la parade, gesticulant et lançant son bâton avec allégresse. Le scénario de Peter McDougall est simple mais efficace, il dépeint juste une journée dans la vie de John, mais un jour essentiel pour lui, pour se construire en tant qu’homme adulte et responsable.

84 Charing Cross Road

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Adaptation par Hugh Withemore d’un ouvrage écrit par Helene Hanff (il existe une version cinématographique datant de 1987, avec  Anthony Hopkins et Anne Bancroft, selon moi moins réussie), il s’agit du récit d’une correspondance assidue entre Hanff (Anne Jackson), une bibliophile américaine, et un libraire londonien, Frank Doel (Frank Finlay), qui travaille dans l’établissement Marks & Co. Helene, qui gagne sa vie en qualité de scénariste pour l’adaptation télé des enquêtes d’Ellery Queen (une série a été  diffusée en France sous le titre Ellery Queen, à plume et à sang, mais il s’agissait d’une adaptation ultérieure à celle évoquée dans le téléfilm, qui date des années 50), livre des anecdotes qui ne manquent pas de piquant sur le déroulement du tournage. Elle commande des livres de valeur plus ou moins grande, en fonction des fluctuations de sa situation financière, mais échange aussi avec Frank Doel des réflexions sur leur vie de tous les jours. Elle communique aussi avec les autres membres du personnel de la librairie et leur envoie à l’occasion des présents par colis.

La présentation du téléfilm est originale: les textes des missives, lues en voix off, se succèdent, tandis que les images montrent des instantanés de la vie quotidienne des protagonistes. Les échanges postaux, initiés au lendemain de la seconde guerre mondiale, perdureront jusqu’au début des années 70, date de la fermeture inopinée de l’établissement. Les transitions entre époques sont signifiées au moyen de montages d’images d’archive. L’air du temps change, mais la passion livresque d’Helene demeure. Celle-ci développe un attachement sentimental pour cette librairie, au delà de relations purement clientélistes. Entre elle et Frank Doel, il y a peu de choses en commun, à part le goût de la littérature et des livres anciens. Rien de spectaculaire dans ce récit, juste une amitié longue distance entre des personnes ordinaires qui ne se rencontreront jamais. Un singulier récit épistolaire, atmosphérique et nostalgique.

Rumpole of the Bailey (Rumpole and the Confession of Guilt)

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Le pilote d’une excellente série judiciaire avec Leo McKern dans le rôle-titre. Horace Rumpole est un avocat officiant à Old Bailey. Personnage truculent à la voix de stentor, un brin anarchisant, il est un observateur volontiers goguenard de ses confrères et des membres de la magistrature. Doté d’une culture classique étendue, il est capable de citer des passages entiers d’auteurs classiques, avec une nette préférence pour Wordsworth. Il est redoutable à l’exercice du contre-interrogatoire des témoins, même s’il est loin de remporter tous ses procès. Né sous la plume de John Mortimer, Rumpole connut une longévité peu commune. Souvent humoristique, la série est un régal, tout comme les pièces radiophoniques et les nouvelles le mettant en scène. Dans ce pilote, l’avocat doit aider un jeune noir accusé d’avoir poignardé un homme blanc à un arrêt de bus, sans aucun mobile. Le problème est qu’il a signé une confession écrite et qu’on lui a forcé la main pour le faire.

Cet épisode a une tonalité plus sérieuse que beaucoup de ceux qui suivront, même si les commentaires acerbes de Rumpole en voix off à l’encontre du juge et des membres du jury sont cocasses. Il est question dans cette affaire de l’honneur des classes sociales défavorisées et des préjugés racistes que la police peut avoir à leur encontre. L’issue de l’intrigue est révélatrice à cet égard. Hilda, l’épouse autoritaire d’Horace, est présente mais jouée par une actrice différente des épisodes à venir (en l’occurence, Joyce Heron). Nick, le fils de Rumpole (interprété par David Yelland), fait une apparition remarquée, critiquant le comportement de son père lors d’un mémorable tête-à-tête, affirmant que dans la vie privée comme au tribunal, il semble toujours être en représentation, pontifiant sur tous les sujets: en quelque sorte, il est selon Nick sa propre marionnette. Ce pilote, admirablement bien écrit, ne manque pas de profondeur et en dit long sur la personnalité imposante d’Horace Rumpole.

Nuts in May

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Un des téléfilms les plus connus de Play for Today, écrit et réalisé par Mike Leigh, centré sur un couple résolument insupportable. Keith (Roger Sloman) et Candice Marie (Alison Steadman) partent camper dans le Dorset, désireux de profiter d’un cadre champêtre idyllique. Candice Marie est une femme au comportement enfantin, rêveuse et mollassonne alors que Keith est un maniaque compulsif, un individu qui a des principes auxquels rien ne saurait déroger et qui veut toujours planifier son existence dans les moindres détails. Il aime étaler ses connaissances scientifiques, en particulier géologiques. Au camping, le couple entre en conflit avec leurs voisins, accusés de diverses incivilités. Bientôt, c’est l’escalade, car Keith ne supporte pas le non respect du code de conduite du parfait gentleman en milieu rural. En définitive, le couple perturbé par les autres campeurs devient la principale source de perturbation et est contraint…de décamper, trouvant refuge près d’un enclos à bestiaux.

Les deux acteurs principaux livrent une performance très convaincante et souvent amusante, par exemple, lorsqu’ils interprètent en duo une chanson ridicule sur un air de banjo. Le couple est constamment tourné en ridicule, en particulier Keith dont la rigidité et le manque d’empathie en font un individu particulièrement navrant. C’est une histoire qui sent le vécu, d’ailleurs on peut reconnaitre dans les deux personnages des individus casse-bonbons que l’on a croisé dans notre vie, même si la fiction grossit le trait. Une comédie caustique très agréable, d’autant plus que les reliefs vertigineux des côtes du Dorset forment un décor de toute beauté.

The Happy Hunting Ground

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Un téléfilm que je n’ai découvert que tout récemment, rarement cité parmi les favoris des spectateurs mais qui s’est révélé d’une qualité surprenante. Le scénariste, Tom Hadaway, n’est pas très connu mais livre ici une intrigue habile. Le milieu observé ici est celui des pêcheries du nord de l’Angleterre. On voit l’activité grouillante des quais, l’atmosphère surchauffée de la criée, où les petites combines des vendeurs de poissons pour supplanter la concurrence vont bon train. Dans ce microcosme, Bob (interprété par Neil Phillips) est comme un poisson dans l’eau. Ses manières amicales cachent un esprit calculateur, doué pour la manipulation et les coups en douce. Il convoite une position proéminente dans une entreprise piscicole: après avoir embobiné le patron et obtenu par la ruse le poste qui était promis à un autre employé, il profite de l’absence pour hospitalisation du boss de la firme pour séduire son épouse et secrétaire Jenny (Valerie Georgeson). Mais celle-ci est-elle dupe de ses agissements?

J’ai apprécié que la fiction a été tournée intégralement en décors naturels, avec de nombreux figurants, l’ensemble constituant un témoignage très vivant des métiers de la pêche tels qu’ils étaient pratiqués autrefois. Neil Phillips est parfait dans le rôle principal, jouant avec naturel ce beau parleur culotté et sans scrupules, apte grâce à son bagout à gravir l’échelle sociale. A noter également une brève apparition de Timothy Healy en marin-pêcheur, quelques années avant son rôle de Dennis, leader des « magnificent seven » dans la série Auf Wiedersehen, Pet. La chute de l’histoire de Tom Hadaway ne manque pas de sel, illustrant jusqu’où peut aller un individu aussi résolu et décomplexé que Bob pour se faire une place au soleil.

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