Tant de saisons …

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Daam (Pakistan, 2010)

29 vendredi Juil 2016

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Aamina Sheikh, Adeel Hussain, Drame familial, histoire d'amitié, Mehreen Jabbar, Pakistan, Sanam Baloch, Umera Ahmad

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La fiction télé du Pakistan reste pour moi une des grandes découvertes de ces dernières années. Jusqu’ici, je me suis penché sur des séries réputées datant de quelques décennies, mais aujourd’hui j’ai choisi de m’intéresser à l’une des productions plus récentes, Daam, applaudie aussi bien par la critique que par le public. Force est de constater, après visionnage, que les commentaires élogieux étaient justifiés. La série diffusée sur ARY Digital bénéficie du travail d’une jeune réalisatrice talentueuse, Mehreen Jabbar, ainsi que de l’écriture d’une romancière et scénariste primée, Umera Ahmad. Une œuvre de femmes, donc, où les personnages prépondérants sont féminins. L’histoire poignante d’une amitié brisée entre deux étudiantes issues de milieux sociaux très différents, l’une appartenant à une famille aisée, l’autre vivant dans un cadre bien plus modeste. Une intrigue brillamment agencée, filmée dans un style naturaliste, illustrée par une jolie bande son, avec pour générique une musique élégante du groupe Zeb and Haniya.

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Daam, qui n’est jamais sorti en DVD, était en ligne depuis quelques années avec des sous-titres anglais, mais la qualité des vidéos étant très basse, j’ai alors préféré m’abstenir de les regarder. Récemment, des vidéos d’une meilleure définition sont apparues sur le net, le seul inconvénient étant un imposant logo de la chaîne constamment présent dans un coin de l’image. Cela ne m’a pas empêché d’apprécier les 18 épisodes d’une quarantaine de minutes qui composent la série et forment une construction dramatique imparable, démarrant lentement (il faut patienter pendant quatre ou cinq épisodes avant de voir l’intrigue se développer pleinement) et évoluant crescendo vers un final à haute tension et par bien des aspects tragique. Outre le scénario, la mise en scène contribue à rendre l’ensemble prenant, grâce au soin apporté au cadrage,  les émotions des protagonistes étant soulignées habilement par des jeux de clair-obscur.

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Daam est l’histoire de deux étudiantes de Karachi, Zara et Maliha, deux amies inséparables depuis l’enfance. A l’université, elles sont toutes deux de très bonnes élèves, mais Zara est celle qui obtient le plus souvent les premiers prix lors des exposés oraux se tenant à l’amphithéâtre. Le fait qu’elles soient issues de milieux sociaux opposés ne les empêche pas de faire preuve d’une grande complicité, de partager leurs loisirs et de se confier leurs petits secrets. Zara (jouée par Sanam Baloch) vit chichement dans une demeure spartiate des quartiers de la classe moyenne. Sa mère, Amna (Lubna Aslam), est une femme très pieuse, humble et discrète, qui souhaite voir ses enfants s’élever socialement, tout en restant irréprochables sur le plan moral. Son père Hidayatullah (Shahid Naqvi) mène une vie marginale. Toujours à court d’argent, il cherche des combines juteuses qui lui permettront d’alimenter financièrement son foyer, mais celles-ci ne sont pas toujours légales, ce qui l’amènera plus d’une fois à avoir des soucis avec la justice. Personnage ombrageux et renfermé, il cherche à conserver un semblant de dignité malgré la honte qu’il ressent de ne pas avoir réussi à mener une existence stable.

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Zara a une petite sœur attardée mentale, Mano (interprétée avec sensibilité par Pari Hashmi), une fille solitaire ayant pour compagne une perruche nommée Mithu à qui elle parle avec affection. Zara a une attitude protectrice envers  Mano, lui prodiguant régulièrement des cadeaux, dont les trophées qu’elle rapporte de l’université et qu’elle lui cède volontiers. Lorsque Mithu meurt, Mano est effondrée par la perte de cet ami  proche. Il est clair qu’elle souffre de sa déficience intellectuelle et de ne pas parvenir à faire partager sa détresse par ses proches. C’est une fille attachante pour Zara car elle représente l’innocence, elle a la franchise désarmante des êtres simples. La grande sœur de Zara, Aasma (Nimra Bucha) est quant à elle mal dans sa peau. Elle se voit vieillir (elle a près de 35 ans) tout en peinant à trouver sa voie professionnelle, jouant de malchance. Elle accepte un poste subalterne d’employée de bureau, avant d’être victime de harcèlement sexuel au travail et de devoir démissionner. De plus, sa mère cherche à la marier, mais elle subit les rejets d’hommes qui la trouvent trop vieille et pas assez à l’aise financièrement:elle n’est pas pour eux un bon parti. Déprimée, en proie à un certain fatalisme, Aasma semble, dans les premiers épisodes, minée par son attitude négative face à la vie.

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Cependant, la roue finit par tourner pour Aasma. Il est curieux de constater que, dans la série, l’humeur de Zara est souvent l’inverse de celle d’Aasma: quand l’une est épanouie, l’autre semble malheureuse et flétrie. Les trajectoires des deux personnages au fil des épisodes sont opposées. Zara a également un frère, Jamal (Mohammad Yasir): celui-ci rêve de percer en tant qu’acteur, mais peine à réussir, malgré le soin qu’il porte à son apparence et un caractère obstiné. Il n’obtient que des petits rôles à la télévision, où il est considéré par les producteurs comme un larbin insignifiant. Pour le payer, on lui fait même des chèques sans provision, avant de rejeter avec désinvolture ses réclamations de salaires. Jamal perd vite ses illusions à propos de sa profession, tandis que sa mère n’approuve pas toujours les fictions modernes dans lesquelles il fait de courtes apparitions. La série montre bien les travers de l’industrie du spectacle pakistanaise, dénonçant la suffisance et le cynisme qui prévalent parmi les individus gravitant dans  ce milieu. Jamal, à force de le fréquenter, finit par se fondre dans le décor et devient lui-même arrogant, reniant ses valeurs pour réussir socialement.

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Du côté de la famille de Zara, il convient de s’attarder sur un couple formé par le frère d’Amna, Haji Sahab (Behroze Sabzawari) et son épouse Sajida. Haji appartient à une classe plus élevée que sa sœur. Il a une attitude condescendante à son égard, s’enorgueillit d’être généreux et de soutenir financièrement sa famille. Se posant en croyant exemplaire, volontiers donneur de leçons, il n’est pas toujours cohérent sur le plan moral. Il a un complexe de supériorité envers Amna et peine à le cacher. Surtout, il personnifie la bien-pensance et s’avère manquer cruellement d’empathie. Sa femme Sajida est une langue de vipère, avide de commérages et prompte à juger les autres en fonction des apparences. Ce couple horripilant est tourné en ridicule: on voit bien que leur religiosité ne s’exprime que de manière superficielle et est emprunte d’hypocrisie.

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Examinons à présent la famille de Maliha (Aamina Sheikh). Son père, Sami, est (à l’instar de son épouse) de nature bienveillante et très libérale. Médecin à la retraite, ce membre de la bonne société n’hésite pas le cas échéant à faire jouer ses relations pour aider ses enfants. Il a le cœur sur la main, ayant conscience d’être privilégié et d’avoir la capacité matérielle de faire le bien autour de lui. Le personnage, foncièrement généreux, contraste singulièrement avec Haji. Sami a une sœur, Samra, divorcée de longue date et qui a dû compter sur le soutien de son frère pour élever ses enfants Yasir et Fiza. Cette dernière, jouée par Sanam Saeed, est une jeune femme narcissique et manipulatrice. Elle ne supporte pas l’amitié entre Zara et Maliha, regarde avec mépris Zara, qu’elle accuse de tous les maux. Fille gâtée, son attitude agressive masque une nature angoissée, un sentiment d’insécurité pathologique. C’est un personnage détestable mais qui finira par être victime de son comportement intransigeant et vindicatif. Son frère, Yasir, plus discret, n’est cependant guère plus positif, dépeint comme un individu imbu de lui-même et ingrat envers ses proches.

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Le nœud de l’intrigue de Daam réside dans la personnalité de Maliha et sa relation spéciale avec son frère Junaid. Tout semble sourire à Maliha: des parents compréhensifs, la sécurité matérielle, une belle amitié avec Zara. Mais Maliha est aussi très proche de son frère, qu’elle admire et auquel elle est attachée au point d’éprouver pour lui un sentiment possessif au delà du rationnel. Lorsque Zara se fiance avec Junaid sans en informer son amie, Maliha le prend comme un affront personnel et n’a dès lors de cesse de vouloir briser le couple. Elle ne supporte pas de perdre la relation exclusive qu’elle entretient depuis toujours avec Junaid. Elle considère que Zara l’a trahie et l’évite ostensiblement, tout en ruminant de sombres desseins. Elle n’hésitera pas à exercer un odieux chantage sur son ex-amie pour parvenir à ses fins. Son mariage de raison avec Yasir s’avèrera tumultueux et se soldera par un échec.  Maliha est un vrai personnage de tragédie, interprété avec finesse par l’actrice, qui parvient à restituer sa nature tourmentée dans toute sa complexité.

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Peut-être dans l’attitude excessive de Maliha réside une part de refus du mariage inter-classes, forme de mixité sociale peu répandue dans la société pakistanaise, traditionnellement très cloisonnée. Plus sûrement, on peut déceler chez elle la frustration de ne pas pouvoir conserver éternellement le bonheur simple d’une amitié fraternelle entre elle, Junaid et Zara, cette dernière étant considérée comme une véritable sœur par Maliha. Mais si la fille de Sami est guidée par ses affects, Junaid (Adeel Hussain) a toujours la tête sur les épaules. Garçon sérieux au parcours universitaire brillant, gendre idéal doté d’une nature patiente et conciliante, il s’avère être avant tout une victime dans cette histoire, écartelé entre son amour impossible pour Zara, l’affection égoïste de sa sœur et un mariage chancelant avec Fiza, qui au fond le considère juste comme un trophée arraché à sa rivale détestée. Junaid apparaît finalement comme celui qui se sacrifie inutilement, manipulé par Maliha, dont les sentiments pour lui se révèleront destructeurs.

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Daam est de toute évidence une série psychologique, où l’action progresse souvent au travers de dialogues en apparence anodins, mais révélateurs du caractère des protagonistes. Il n’y a pas de fausse note dans la distribution, chaque personnage, principal ou secondaire, est campé avec justesse. Si le pitch de la série est simple, la structure du récit est complexe, tissant un écheveau d’intrigues reliées entre elles pour aboutir à une conclusion inéluctablement dramatique. On se rend compte qu’un effet dominos est à l’œuvre dans le déroulement de cette histoire, chaque action entreprise par les différents personnages contribuant à créer une situation globalement inextricable. La série offre aussi un aperçu des pratiques sociales (déroulement du mariage, système éducatif) et religieuses (ainsi, la pieuse Amna porte en permanence une amulette votive, le tawiz, contenant des versets du Coran, équivalent des tephillins de la tradition judaïque) en vigueur au Pakistan.

J’ai été touché par ce drame humain, j’ai apprécié en particulier son refus du spectaculaire, au profit de la construction méthodique d’un climax émotionnel. La seule chose qui m’a gêné est la fréquence excessive  des flashbacks, qui semblent souvent être du remplissage, intermèdes fastidieux mais pas au point de nuire à la narration. En définitive, Daam est une œuvre puissante et sans doute une excellente entrée en matière pour qui souhaite découvrir les qualités de la (bonne) fiction télé pakistanaise.

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Doosra Aasman (Pakistan/Emirats Arabes Unis, 1997)

17 dimanche Mai 2015

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Abid Ali, Emirats Arabes Unis, Histoire de migrants, Mirza Athar Baig, Pakistan, PTV Classic

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Retour aux pépites de la télévision pakistanaise avec une étonnante série datant de la fin des années 90, produite par PTV en partenariat avec Sharjah TV, une grosse chaîne de télévision émiratie. En combien d’épisodes? J’avoue avoir un doute, l’ayant visionnée l’an dernier en DVD, découpée en quatre vidéos d’une durée de 3 à 4 heures. Un site mentionne une diffusion en 20 épisodes, mais la série est récemment visible sur YouTube, en 36 épisodes de près d’une demi heure en moyenne. Quoi qu’il en soit, c’est une fiction fleuve aux multiples rebondissements racontant l’existence de migrants pakistanais aux  Émirats Arabes Unis, dans la ville de Dubaï, venus chercher fortune et profiter de l’essor économique fulgurant que connut alors (et encore aujourd’hui) cet État fédéral de la péninsule arabique. On parle beaucoup actuellement des tragédies vécues par les migrants vers l’Europe. A mille lieues, Doosra Aasman montre souvent une émigration heureuse, particulièrement pour ceux qui sont doués pour les affaires et suffisamment opportunistes. La série a été écrite par Mirza Athar Baig, un universitaire de Lahore, également scénariste réputé et romancier à succès. Également, la bande musicale est haut de gamme avec d’excellents morceaux de Wajid Ali Naushad et des chansons écrites par le poète urdu Amjad Islam Amjad.

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Au centre de la série, un personnage hors du commun: Hashim Ali, interprété avec truculence par Abid Ali. Obscur employé au Pakistan, vivant chichement, il nourrit de grandes ambitions. Il épouse Maqsooda, un fille issue d’une riche famille, par appât du gain. Il trahit son ami Ekram en lui dérobant une grosse somme et embarque sur un rafiot en migrant clandestin vers les émirats. Sur le bateau, il rencontre Jabar (joué par Aslam Later), un barbu à la carrure imposante qui deviendra par la suite son bras droit. Il débute à Dubaï en tant qu’ouvrier dans le bâtiment mais s’oriente bientôt vers l’import/export, dont il ne tarde pas à diriger une entreprise florissante. C’est alors que sa carrière débute par un grave péché originel. Par ses entrepôts, en plus de produits respectables, transite illégalement de la drogue. Incidemment, un de ses employés s’en aperçoit et veut le dénoncer. Hashim Ali se résout à l’éliminer, en faisant passer le meurtre pour un accident causé par un engin de manutention (manipulé par Jabar) dont le chargement s’écrase sur le malheureux alors que ce dernier s’entretenait avec Hashim sur les docks. Ce terrible secret aura d’importantes répercussions, une fois révélé beaucoup plus tard.

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En dépit de ces aspects sombres de la personnalité d’Hashim Ali, celui-ci se révèle un individu avenant et plein d’humour, loyal envers ses amis et ne considérant pas l’argent comme une fin en soi. Doué pour saisir les opportunités, cet homme d’affaires intelligent fait très vite fortune. Cependant, il a un talon d’Achille: une addiction déraisonnable au risque. Véritable trompe-la-mort, il est capable de porter à sa bouche des fils électriques dénudés où circule un fort courant, de jouer à la roulette russe devant témoins, de puiser chaque matin une sucrerie dans une réserve de bonbons en sachant que l’un d’eux a été empoisonné par ses soins.  Ces habitudes morbides donnent du piment à son existence, marquée par l’attrait du danger. Un passage étonnant le montre demandant à un fossoyeur de l’enterrer dans un cimetière pour une nuit. Lors d’une scène mémorable, on le voit enseveli, en train de gamberger, luttant contre un début de panique le poussant à s’extraire de sa tombe. Hashim Ali est vraiment un joueur de l’extrême, le personnage le plus singulier de la série.

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Ekram, qui rejoint bientôt Dubaï de façon légale, devient vite son rival en affaires et cherche à lui nuire, poussé par un esprit de vengeance. Individu sournois et plutôt mesquin, il n’hésite pas à dérober les biens détenus par l’épouse d’Hashim. Il peut recourir à des coups bas contre ses concurrents. Son frère, droit et pondéré, voit d’un mauvais œil ses pratiques délictueuses. Cependant, le fils d’Ekram, Babar (joué par Asad) est un personnage encore beaucoup plus négatif, dépassant son père en rouerie, capable de tout pour satisfaire ses ambitions. Admiratif de la réussite d’Hashim, il le prend pour modèle et cherche à calquer son comportement sur lui. Cependant, il n’est pas de la même étoffe et ses manigances s’avèrent souvent bien plus répréhensibles moralement. Babar a pour rival dans l’entreprise de son père un employé modèle, un modeste fils d’électricien du nom de Fiaz, qu’il parvient à évincer grâce à une odieuse machination. Fiaz rejoint alors Hashim et lui restera dorénavant loyal. Il devient l’associé de Mizra, la fille d’Hashim, dans un entreprise de construction d’hôtels de luxe, avec pour projet l’édification de palaces dans le désert. Mizra est une femme de tête et la liaison qu’elle entame avec Fiaz devient vite houleuse.

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La série présente également une galerie de migrants aux parcours plus modestes, réunis dans une colocation et formant une communauté fraternelle. On découvre ainsi Jeera, le cuisinier du groupe, un passionné de cinéma qui rêve de percer dans le septième art. Individu fantasque s’identifiant à un grand réalisateur de films, son exubérance et ses maladresses en font le protagoniste le plus comique de la série. Alla Baba est un vieux jardinier qui a la nostalgie de sa vie au Pakistan. Il pourvoit aux besoins financiers de sa famille pakistanaise, mais celle-ci le méprise, ne le percevant que comme un distributeur de billets. Il mourra de chagrin devant tant d’ingratitude. Le destin d’Ali Murad, un ouvrier émigré, est également peu enviable. Ayant convoyé le magot de membres de la pègre, il a eu la mauvaise idée de s’en emparer et de le dissimuler dans le désert. Il vit dans la peur de représailles et ses actions auront de graves conséquences pour lui et pour ses amis colocataires.

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Toutes ces storylines montrent à quel point Doosra Aasman est une série touffue. En plus, je n’ai pas évoqué le fait que l’on suit l’existence de la famille restée au Pakistan de chaque protagoniste émigré! Il y a donc une kyrielle de personnages n’apparaissant que brièvement, chacun ayant cependant sa propre histoire, allant de l’imbroglio sentimental à la vendetta entre clans. Malheureusement, c’est un point faible de la série, ces intrigues secondaires tendant à surcharger inutilement un récit déjà très dense. Cependant, les relations d’un protagoniste avec sa famille sont particulièrement bien dépeintes: Jamal Khan, un jeune émigré employé sur les docks par Hashim. Toujours le cœur sur la main, trop gentil pour son bien, ses amis ont tendance à profiter de son caractère généreux. Il est prêt à se saigner pour payer la caution d’un membre de sa famille en délicatesse avec la justice et se trouve très affecté quand il apprend le décès de son frère. Jamal est l’un des personnages les plus attachants de la série, d’une candeur touchante.

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Doosra Aasman permet de découvrir le Dubaï en plein essor économique des années 90, une ville dont la physionomie changea grandement ensuite dans les années 2000 avec le boom de l’immobilier haut de gamme. La série présente l’émigration dans les émirats comme une grande chance de réussite économique et sociale pour les pakistanais, sans occulter les limitations inhérentes au statut des migrants dans ce pays (exemples: possibilité pour l’État de les expulser de leur logement à tout moment, obligation du sponsoring, ou kafala, de la part des employeurs pour obtenir un visa). Si on se perd dans les méandres des intrigues secondaires, la trame principale est palpitante et assez inventive. Surtout, à l’instar des précédentes productions de PTV que j’ai présenté, la série nous gratifie d’une galerie de personnages mémorables de par leur singularité. Malgré une réalisation un peu inégale et manquant parfois de finition (et des sous-titres anglais qui ont la fâcheuse tendance de sauter certaines répliques), c’est une fiction originale qui vaut le détour pour qui a la patience de se plonger dans sa structure complexe.

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Dhoop Kinaray (Pakistan, 1985)

11 mercredi Fév 2015

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Comédie romantique, ghazals, Haseena Moin, Pakistan, PTV Classic

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Ce fut, il y a quelques mois, ma première découverte d’une série pakistanaise. On ne pouvait rêver meilleure entrée en matière. On pourrait qualifier cette fiction de comédie romantique ultime. Elle est en tout cas considérée comme une des meilleures œuvres écrites par Haseena Moin, une fameuse scénariste qui s’est illustrée à la télévision dans des genres fictionnels très diversifiés et dont la production se distingue par des dialogues d’un style inimitable. Dhoop Kinaray doit aussi sa renommée à un excellent casting et un script intelligent, tour à tour drôle et émouvant. Même si la qualité des vidéos disponibles en ligne avec sous-titres anglais n’était pas optimale (il arrivait que l’image pixelise, voire même se fige), j’ai été rapidement captivé par l’histoire.

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L’intrigue se situe à Karachi. Le docteur Ahmer est un orphelin qui a grandi aux côtés d’un père adoptif (surnommé Baba) qui lui apporta beaucoup d’affection. Lorsque ce dernier meurt, il laisse sa maison en héritage à sa petite-fille, alors qu’il n’avait jamais révélé à son fils adoptif qu’il avait une descendance. Cette petite-fille, Zoya, qui n’a jamais connu son grand-père, refuse d’habiter dans la maison qu’il lui a légué. Elle décide de faire une carrière de médecin et se retrouve affectée dans une service hospitalier s’occupant d’enfants malades, sous les ordres de docteur Ahmer. Tous deux ignorent les liens qui les unissent. Peu à peu, ils passent de rapports strictement professionnels et souvent conflictuels à une relation affective, malgré leur différence d’âge. Par ailleurs, un autre médecin, une femme divorcée (docteur Sheena) est attirée par Dr. Ahmer et devient fortement jalouse de Zoya. Dans le même temps, un confrère du Dr. Ahmer, le docteur Irfan, courtise Anji, l’amie d’enfance de Zoya.

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Ce résumé de l’intrigue peut laisser penser que l’on est en présence d’une bluette sentimentale. Il n’en est rien. La réussite de Dhoop Kinaray réside d’abord dans les dialogues truculents d’ Haseena Moin, dans leur verve inimitable mettant en valeur le sens de la répartie des protagonistes, parfois empreints d’une autodérision les rapprochant de l’humour juif. La distribution donne vie à une galerie de personnages dotés de fortes personnalités (y compris les rôles secondaires) et aux échanges souvent drôlatiques. Cet humour apporte un côté fantasque, excentrique à la série. Également,  la musique est de bonne facture et comprend quelques chansons interprétées par Nayyara Noor, composées à partir de ghazals écrits par le poète Faiz Ahmed Faiz. Le style naturaliste de la réalisation, typique des séries pakistanaises, contribue aussi à la qualité de l’ensemble.

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La relation entre Zoya (Marina Khan) et le Dr. Ahmer (Rahat Kazmi) est développée avec soin. Zoya multiplie les gaffes à l’hôpital et, de plus, Sheena intrigue pour la discréditer. Cependant, le docteur traite Zoya avec une grande indulgence et ses remontrances ont un côté paternel, ses sentiments envers sa subordonnée restant longtemps inavoués. Cependant, les personnages secondaires sont peut-être encore plus mémorables. Le père de Zoya, joué par Qazi Wajid, est doté d’un humour sarcastique et chambre fréquemment son entourage. Ahmer, lorsqu’il le rencontre, décèle chez lui un air de famille avec son père adoptif, dans son caractère distrait comme dans ses attitudes comiques. Fazeelat, la mère de Zoya, est une femme à poigne et prête à tout pour protéger sa fille. Le père d’Anji est un businessman bourru et pète sec, mais se révèle avoir un cœur d’artichaut lorsqu’il côtoie ses proches. Enfin, le docteur Irfan, interprété par Sajid Hassan, est hilarant: irrévérencieux et beau parleur, il a en outre l’habitude, dès qu’une femme attirante est dans les parages, de débiter un baratin de séducteur mêlant flagorneries et autosatisfaction, ne reculant devant aucune envolée lyrique.

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Mais, outre les nombreuses scènes de comédie, la série réserve des moments empreints de gravité. Les réminiscences du docteur Ahmer évoquant avec nostalgie ses relations passées avec son père adoptif montrent sa difficulté à surmonter le chagrin de la perte d’un être cher et l’inciteront à vouloir racheter la demeure familiale, témoin pour lui d’un bonheur envolé.  La vie professionnelle du docteur a aussi parfois des aspects tragiques, comme lorsqu’un attentat à la bombe perpétré dans un parc de Karachi amène à l’hôpital des dizaines d’enfants grièvement blessés, ou lorsqu’une erreur médicale met en péril la vie de l’un d’eux. La scène finale de la série est également émouvante et sa mise en scène très étudiée, parfaitement conçue pour cueillir le téléspectateur.

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J’avoue ne pas être habituellement un adepte des comédies romantiques, mais celle-ci est irrésistible. Tous les aspects de la production se conjuguent pour en faire une fiction délectable et pleinement aboutie, fort bien scénarisée qui plus est. Regarder Dhoop Kinaray est cependant à double tranchant, car une fois le visionnage terminé, vous voudrez sûrement découvrir d’autres séries d’ Haseena Moin. Si vous ne comprenez pas l’urdu, vous risquez d’être frustré car bien peu ont été sous-titrées (seule Pal do Pal, une autre comédie romantique, est accessible en intégralité pour les anglophones). Néanmoins, que cela ne vous prive pas de vous pencher sur cette perle qui fit date dans l’histoire de la télévision pakistanaise.

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Alpha Bravo Charlie (Pakistan, 1998)

22 jeudi Jan 2015

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Pakistan, PTV Classic, récit de guerre

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Il est des moments enthousiasmants pour un sériephile: lorsque l’on découvre la fiction télé d’un pays et que celle-ci s’avère originale et brillante. C’est ce que j’ai ressenti l’an dernier en visionnant pour la première fois des séries pakistanaises, et plus particulièrement des classiques de la chaîne PTV, des productions de qualité datant des années 80 et 90. Malheureusement, ne comprenant pas l’urdu, j’ai dû me cantonner à une poignée de séries sous-titrées. Cependant, par chance ce furent de vraies pépites. Leurs caractéristiques: un style naturaliste, des dialogues pleins d’esprit joués avec décontraction et des intrigues intelligemment conçues. Comme par exemple Alpha Bravo Charlie, suite donnée à la série Sunehre Din (hélas non sous-titrée à ce jour) et qui comporte 15 épisodes. Le réalisateur, Shoaib Mansoor, est fameux dans son pays aussi bien pour ses créations cinématographiques que télévisuelles. Précisons d’emblée ce que la série n’est pas: bien que traitant de l’armée pakistanaise, il ne s’agit nullement d’une œuvre de propagande. C’est un récit très humain passant de la comédie au drame et s’intéressant particulièrement à la façon dont ses protagonistes réagissent aussi bien aux contraintes de la vie militaire qu’aux horreurs de la guerre.

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Au centre de la série, trois personnages principaux, tous capitaines de l’armée pakistanaise, liés par une indéfectible amitié. Faraz, issu d’une famille richissime, un militaire modèle au physique avenant. Kashif, fils d’un haut gradé, qui est initialement réticent à suivre une carrière militaire (en partie pour défier son père) mais finira par se révéler valeureux sur le terrain. C’est le plus farceur du trio. Gulsher, fils d’un JCO (Junior Commissionned Officer) est issu d’un milieu plus modeste que celui de ses compagnons. Humble mais gaffeur et peu sûr de lui, il va cependant épouser une fille de bonne famille, Shahnaz. Nièce d’un lieutenant-général à la retraite, celle-ci est une institutrice confiante et au caractère bien trempé, à l’opposé de son mari.

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Les premiers épisodes multiplient les scènes cocasses: la tendance à la corruption au sein de la hiérarchie militaire est brocardée et on suit les péripéties vécues par les soldats faisant leurs classes. Basés à Lahore, les militaires se rendent dans le désert pour effectuer des manœuvres où une course de tanks improvisée par Kashif et ses camarades cause le courroux de leur officier instructeur. Cependant, arrivé au cinquième épisode, les choses sérieuses commencent. Gulsher est envoyé en Bosnie pour participer à une mission de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU. Kashif, quant à lui,  est assigné dans les montagnes du Karakoram, sur le glacier de Siachen, où un conflit territorial avec l’Inde s’éternise.  Faraz n’ obtient pas d’assignation et son personnage, occupé à des œuvres de bienfaisance, passe alors en retrait.

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Les passages  situés dans les montagnes du Cachemire, spectaculaires, livrent des moments d’une forte intensité dramatique, les escarmouches sanglantes entres armées montrant l’absurdité de ce conflit lancinant et larvé. En Bosnie, envoyé près de Mostar dans une zone ravagée par les bombardements, Gulsher recueille des témoignages effroyables sur la purification ethnique pratiquée par les serbes. Engagées dans une opération épineuse visant à protéger les populations musulmanes, les forces pakistanaises risquent de se retrouver en première ligne dans des affrontements meurtriers avec les belligérants. La série aborde également avec acuité la question du traumatisme post-combat. Cependant, si les destins de Gulsher et Kashif forment l’aspect le plus sombre et poignant d’Alpha Bravo Charlie, le personnage le plus marquant reste celui de Shahnaz. L’actrice Shahnaz Khan est très inspirée dans son interprétation de Shahnaaz Sher, une femme de tête à la personnalité complexe et dotée d’une philosophie de vie à la logique parfois déconcertante. Pour le moins versatile, elle a successivement une liaison avec chacun des trois militaires. Ses dialogues pleins d’humour avec Gulsher constituent les passages les plus savoureux de la série.

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Shoaib Mansoor a presque réussi ici un sans faute. On pourra juste regretter un manque de complicité entre Shahnaz et Faraz dans certaines scènes. Ou encore la scène finale où une voix off monocorde résume de façon lapidaire les destins des protagonistes. Mais globalement, la série marque par son habileté à exploiter une gamme de registres allant de l’humour au drame humain en passant par les tourments sentimentaux. La réalisation, bien que pouvant sembler à de rares moments un peu artisanale aux yeux des téléspectateurs d’aujourd’hui, privilégie un style réaliste très maîtrisé proche du reportage, contribuant également à faire d’Alpha Bravo Charlie une série de guerre addictive, aussi mémorable qu’attachante.

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