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In de Gloria [saisons 1 et 2] (Belgique, 2000-2001)

10 vendredi Fév 2017

Posted by Greg in Série

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An Miller, humour belge, Jan Eelen, Lucas van den Eynde, Série à sketches, Série belge, Tania van der Sanden, Tom van Dyck, Wim Opbrouck

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Place cette semaine à une comédie de la Belgique flamande considérée comme un programme culte dans cette contrée (mais qui n’a même pas bénéficié de sous-titres pour les belges francophones de Wallonie, hélas). In de Gloria, diffusée dès 2000 par la chaîne Canvas, en 2 saisons de 10 épisodes d’environ une demi-heure chacun, est une série à sketchs à l’humour très particulier, parodique, souvent provocateur et politiquement incorrect, parfois absurde. Il est toujours malaisé de recommander des comédies, tant leur appréciation est éminemment subjective. Pour ma part, je me suis beaucoup amusé lors de ce visionnage. Réalisée et scénarisée par Jan Eelen; la série prend pour modèle des productions néerlandaises antérieures et a été créée à l’époque où la télévision, en Belgique comme en France, connut certaines mutations: arrivée de la télé réalité, multiplication des programmes dits de proximité où apparaissent à l’écran des « vrais gens ». C’est cette télé là que la série raille allègrement et de façon décapante.

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Le sketch le plus connu (car visible en ligne avec des sous-titres anglais) est sans doute Boemerang, une parodie d’un talk-show où le présentateur reçoit sur son plateau des individus ayant fait l’objet d’opérations chirurgicales des cordes vocales et dont les voix particulièrement aigües ou graves provoquent (en direct) un irrépressible fou rire de l’animateur, qui est ensuite viré par sa chaîne. C’est un sketch très drôle du premier épisode, qui sera suivi de bien d’autres gags désopilants, certains étant tellement barrés qu’ils défient toute description par des mots. Je me contenterais donc d’évoquer quelques temps forts de la série. Les gags prennent souvent la forme pseudo réaliste du mockumentaire. Les épisodes sont ponctués de rubriques revenant à intervalles réguliers, où se succèdent fausses interviews, fausses caméras cachées, détournement de programmes flamands diffusés à cette époque ou encore running gags surréalistes.

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Ma rubrique préférée est sans doute Hallo televisie, où un journaliste (interprété par Tom Van Dyck) se rend avec un cameraman dans des villes de province et sonne à la porte d’un habitant, au hasard. Le personnage est désagréable, sans gêne, méprisant, cynique. Il bouscule les gens qui lui ouvrent leur porte, se moque d’eux et sème la pagaille dans leur maison. Ainsi, tour à tour il provoque une dispute entre voisins (à propos d’un nain de jardin offert en cadeau) qui dégénère vite; il surprend un directeur financier sur le point de se suicider par pendaison et lui demande de délivrer un mot d’adieu à l’antenne avant de l’encourager à en finir; il assiste au pot de départ d’un époux censé partir en voyage d’affaires à Hambourg et découvre en fouillant sa valise des préservatifs; il rencontre un noir devant qui il fait étalage de ses préjugés envers les hommes de couleur; il tombe sur une étudiante en pleine révisions et se moque d’elle en découvrant qu’elle est incapable de répondre à des questions portant sur ses cours; il a un entretien avec un ventriloque dérangé souffrant de troubles de la personnalité. Des sketchs cruels, en particulier celui où il visite une famille qui veut lui montrer leur reproduction de la basilique Saint Pierre de Rome avec des allumettes, mais où il se fiche ouvertement, malgré leur insistance, de filmer ce chef d’œuvre en miniature.

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Parmi les autres rubriques, on trouve des courts programmes comme De minuut, où une minute chronométrée d’antenne est offerte pour passer une annonce, matrimoniale ou de vente d’objet (qui foire invariablement pour diverses raisons: toux incontrôlable, bredouillement…);  De Bruyne Henri, un fonctionnaire au repos qui cherche à se socialiser en rendant service aux gens (par exemple en se plaçant près des sanisettes publiques pour proposer de la monnaie aux passants souhaitant les utiliser, ou encore en s’improvisant guide touristique à Woluwe-Saint-Etienne); De Cameraad, où il s’agit de permettre aux téléspectateurs qui en font la demande par lettre de s’exprimer (un des sketchs les plus amusants est celui d’un marchand de bonbons voulant rétablir la vérité après avoir été soupçonné de pédophilie parce qu’il avait demandé à une petite fille de sucer ce qu’il avait sorti de son pantalon…en l’occurrence une friandise); De dagtrippers, un couple d’excursionnistes obsédés par le frisson de l’aventure et qui déterminent leur prochaine destination par des moyens incongrus (comme jeter un bâton sur le sol ou tirer au sort des lettres d’un sac de cookies en forme d’alphabet); Gerrit Callewaert,  un habitant de Flandre occidentale, joué par Wim Opbrouck, qui se plaint avec un fort accent des sous-titres présents à l’écran lors des interviews dans sa région (lui même étant, lors de ses interventions, sous-titré en gros et même doublé).

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Une rubrique notable est celle qui termine chaque épisode: Vermaelens Projects, où deux frères, Willy et Jos (interprétés par les frères Focketyn) filmés en plan fixe, présentent une de leurs inventions farfelues. Se succèdent: une boîte à rires où puiser des gags pour rompre la glace entres convives, un système de positionnement audio où la voix de Jos égrène les itinéraires routiers sur des cassettes (l’ancêtre du Tom Tom, en quelque sorte), du papier toilette avec de la lecture sur une face, un appareil à fixer au tableau de bord de la voiture pour se moucher en continuant de tenir le volant, un aspirateur à crottes de chien, des sons de conversations ou de chien qui aboie diffusés sur magnétophone pour dissuader un éventuel cambrioleur lorsqu’on a quitté son domicile, la posologie des médicaments énoncée sur des cassettes classées par ordre alphabétiques, à l’usage des déficients visuels (maintenant, on trouve pour cela des inscriptions en braille sur les emballages), un jeu stupide où il faut se retenir le plus longtemps de rire face à des vidéos de Jos, imperturbable avant qu’il ne se marre à des timings différents suivant l’enregistrement choisi. Je vous passe les créations les plus absurdes du duo, toujours en quête de la trouvaille la plus inutile.

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On trouve également les annonces d’un couple exhibitionniste, qui indique à l’antenne le lieu et l’heure où ils auront un rapport sexuel en public, pour encourager les voyeurs à venir les mater. La femme prononce en français des répliques cultes comme « j’ai pas de culotte » ou « Je vais porter ma culotte tricolore » et les lieux choisis par le couple sont variés: cela va des environs d’un axe routier aux égouts de Bruxelles, en passant par des fourrés bordant le célèbre mur de Grammont, cher aux amateurs du tour cycliste des Flandres. Mais il y a aussi d’autres rubriques plus obscures pour les étrangers à la culture flamande, où le contenu de programmes télévisés inconnus en France (comme le magazine d’actualité Terzake) est détourné de façon éhontée et où des présentateurs vedettes sont brocardés. Dans le même ordre d’idée, un sketch montre le sosie du chanteur Koen Crucke (dont la renommée se limite à la Belgique) qui se produit dans des cabarets avant de se retrouver au chômage car le vrai chanteur a considérablement maigri suite à un régime draconien et que son sosie n’est plus ressemblant.

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Certains sketchs relèvent de l’humour visuel, comme celui où un pistard amateur est atteint de vertige après avoir chuté en haut de l’anneau de vitesse, ou encore celui où un père de famille reçoit en cadeau d’anniversaire une séance de saut à l’élastique (qui ne se passera pas très bien pour lui). Malgré la simplicité des histoires, ce sont des gags qui fonctionnent plutôt bien à l’écran. D’autres m’ont laissé perplexes, comme le gag où une femme s’imagine qu’une ficelle se déroule en permanence depuis son anus et où son mari lui confectionne un appareil à poulies pour enrouler la pelote imaginaire (où ont-ils trouvé une idée aussi incongrue?), ou encore le passage où une vedette de variété, après une opération de chirurgie esthétique, conserve la graisse de son double menton dans du formol.  In de Gloria a aussi parfois un côté salace dans certaines histoires: par exemple, la rencontre à domicile entre deux couples échangistes (qui ne se passe pas comme prévu) ou encore la visite d’un salon de l’érotisme, où deux potes décident, en voyant une exhibition, de s’offrir un piercing du pénis (autrement appelé « prince Albert »). Un humour parfois leste qui peut déplaire à certains.

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La série excelle à présenter des tranches de vie, un exemple marquant étant l’histoire d’un type ressemblant à Jésus (tel qu’on le représente couramment) qui participe chaque année à une reconstitution du chemin de croix et doit céder la place à un autre interprète du Christ car, souffrant d’arthrose, il n’arrive plus à plier les genoux. Autre exemple: un fonctionnaire à la retraite évoque son travail au ministère de la santé, des décennies passées dans les sous-sols à surveiller le chauffage central. Lorsqu’il prend une retraite forcée à cause de l’automatisation croissante des équipements, il organise une réception où presque personne ne vient, il s’avère que les employés du ministère aux étages supérieurs ont tout bonnement oublié son existence. Même sentiment d’abandon, dans un autre sketch, de la part d’un technicien d’entreprise qui se met en colère contre la direction, celle-ci ayant oublié de lui donner un lot pour récompenser son efficacité dans la vente de billets de tombola. Ces récits expriment l’anonymat et l’absence de considération qui sont le quotidien des sous-fifres.

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In de Gloria s’amuse également des lubies que peuvent avoir des gens ordinaires, comme le cas d’un couple de retraités passionné de photographies qui fait parvenir chaque jour des clichés de paysages à la télévision, en espérant vainement qu’ils seront employés pour illustrer le dernier bulletin météo. Dans un autre sketch, deux veufs férus de trains électriques se déguisent en chefs de gare pour faire fonctionner un réseau ferré miniature et sont pris de panique lorsqu’un de leurs trains déraille. Un troisième sketch montre deux amies qui se rencontrent souvent pour papoter et décident de présenter en commun une émission de radio où elles poursuivent leurs bavardages à l’antenne, au profit des auditeurs. On voit à travers ces exemples que la série peut offrir autre chose que de la pure comédie, dressant parfois des portraits émouvants de modestes individus. Même si quelquefois ceux-ci se distinguent par leur côté ridicule, comme ce retraité qui, par souci d’aider la gendarmerie, se poste près des radars pour noter les plaques minéralogiques des véhicules qui passent à toute allure (il finit par se faire tabasser par un automobiliste furieux).

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Le programme n’hésite pas à aborder des sujets sensibles. L’homophobie est brocardée dans un passage où les collègues de bureau d’un employé homo lui font une mauvaise blague pour son anniversaire en couvrant son poste de travail de bouquets de fleurs. La pédophilie est abordée dans plusieurs sketchs: dans l’un d’eux, une artiste peintre qui réalise des tableaux avec son propre vomi crée une toile où Marc Dutroux est représenté sous la forme d’un sombre dégueulis. Une histoire a suscité la controverse en Belgique: celle d’une famille qui choisit à contrecœur d’euthanasier le grand-père vivant depuis longtemps chez eux, réduit à l’état de légume (le seul moment vraiment déprimant de la série). L’isolement des personnes âgées est aussi dénoncée dans un gag où une entreprise propose comme service une famille de remplacement à louer pour ceux qui n’ont pas le temps de visiter leurs ainés en maison de retraite. La maladie d’Alzheimer fait aussi l’objet d’un sketch, où un vieil acteur qui n’a plus toute sa tête a oublié les rôles qu’il a incarné durant sa carrière. Ces sujets graves sont abordés le plus souvent avec délicatesse, sans chercher à heurter le téléspectateur.

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Néanmoins, la série est en général purement humoristique. Il y a bien d’autres histoires drôlatiques que je n’ai pas abordé. Je mentionnerais juste pour finir deux de mes sketchs favoris: dans l’un, un ancien cambrioleur rend visite à des retraités pour leur donner des conseils en vue de se protéger d’éventuels intrus, mais il voit le danger partout et les malmène sans pitié en voulant leur démontrer tous les risques qu’ils encourent; dans l’autre, un chauffeur de taxi est victime d’une caméra cachée (fictive) où en son absence, son véhicule en stationnement dans une rue à sens unique est retourné par des comparses, après quoi il pète les plombs lors d’une discussion animée avec un flic feignant de vouloir le sanctionner.

Bien sûr, tout n’est pas réussi dans In de Gloria, certains gags font froncer les sourcils ou ont une chute qui tombe à plat. Mais dans la plupart des cas, la série est d’une redoutable efficacité, dénonçant avec causticité les dérives de la télévision de proximité ou les travers de la société moderne. Faisant preuve d’une imagination débordante (parfois à son détriment), truffé de moments mémorables, poilant sans exclure le cas échéant une touche de sérieux, c’est un programme que tous ceux qui ne sont pas réfractaires à l’humour belge peuvent regarder sans hésiter.

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De smaak van De Keyser / L’Empereur du goût (Belgique, 2008)

30 samedi Jan 2016

Posted by Greg in Série

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Chronique familiale, Frank Van Passel, Histoire contemporaine, Jan Matthys, Série belge, Seconde guerre mondiale

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Il n’est pas évident de trouver des séries de Belgique flamande disposant de sous-titres anglais (sans parler des sous-titres français). Les fictions télévisées de ce pays semblent s’exporter difficilement pour la plupart, pourtant j’ai déjà pu visionner quelques productions de qualité (à l’instar de Quiz Me Quick, présenté l’an dernier sur ce blog). De smaak van De Keyser a été primé à plusieurs reprises dans des festivals, obtenant par exemple un FIPA d’or à Biarritz. La série semble cependant n’être populaire auprès du public que dans sa contrée d’origine: une diffusion à la RTBF n’obtint qu’un succès d’estime et aucune chaîne française ne l’a diffusée à ce jour.

Selon moi, malgré quelques détails qui posent problème, c’est un feuilleton assez intéressant aussi bien sur le plan historique que pour ce qui concerne l’étude psychologique des protagonistes. En 10 épisodes, réalisé par  Frank Van Passel et Jan Matthys (qui se partagèrent le tournage des scènes de chaque épisode), c’est l’histoire mouvementée d’une famille de distillateurs spécialisés dans la fabrication de genièvre (une eau-de-vie typique des régions nordiques appelée également peket), les De Keyser, entre 1939 et l’époque actuelle.

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La série jongle entre trois époques: les années 2000, la seconde guerre mondiale et le début des années 60. Les incessants va-et-vient démontrent le poids du vécu des protagonistes dans leurs choix de vie ultérieurs. Personnage central du récit, Helena de Keyser est, à notre époque, une vieille dame atteinte d’un cancer, qui vient de perdre son époux George et dirige d’une poigne de fer la distillerie familiale basée à Hasselt, refusant obstinément les offres de sociétés du secteur agroalimentaire qui souhaitent acquérir une part du capital de l’entreprise et des droits de distribution à l’étranger des produits de la marque.

Helena a des aptitudes olfactives hors normes, elle est de plus douée de synesthésie. Elle travaille sans relâche à l’élaboration de recettes de genièvre toujours plus parfaites, grâce à son expertise des arômes épicés qui composent le précieux breuvage. C’est aussi une femme secrète, qui dissimule à ses proches un lourd passé. Sa petite fille, Alessandra (jouée par Laura Verlinden), s’intéresse de près à l’histoire familiale, parcourant les albums de photos jaunies de ses ancêtres.  Helena évoque avec elle le passé de George, qui comporte bien des zones d’ombre, en particulier concernant son engagement en tant que militaire lors de la seconde guerre mondiale: elle l’incite vivement à enquêter à ce propos.

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A la fin des années 30, Helena (jouée dans ses jeunes années par Marieke Dilles et par Katelijne Damen à un âge plus avancé) est une adolescente pétillante, bien décidée à faire carrière dans l’entreprise familiale. Charles, un employé des de Keyser sérieux et effacé, lui fait des avances discrètes et reste pour elle un soutien indéfectible. De plus, elle est courtisée par deux garçons inséparables, Alfred Lenaerts (Matthias  Schoenaerts) et George Reeckmans (Mathijs Scheepers). Sa préférence va à Alfred, un jeune homme sensible, amateur de botanique et de littérature. George, une garçon d’une nature bien plus extravertie, joueur de trompette à ses heures perdues, développe une jalousie maladive à l’encontre de son ami.

La rivalité entre les deux prétendants prendra une tournure dramatique en 1940, lors de leur enrôlement dans l’armée au moment de l’invasion allemande. George et Alfred sont affectés au fort d’Ében-Émael, près de Liège, un imposant complexe en grande partie souterrain, poste de défense stratégique sensé contenir l’avancée des troupes nazies. Ils retrouvent au sein de leur unité quelques vieilles connaissances: Thieu Verdin, un ami de George, un sympathique érudit qui ne peut s’empêcher d’étaler sa science à toute occasion; ainsi que Jacques Marchoul, le rejeton d’une famille de distillateurs concurrente des de Keyser, un individu distant et à priori peu sympathique.

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Au fort, George ne tarde pas à bien se faire voir de ses supérieurs et à obtenir un poste d’encadrement des soldats. Il fait souffrir Alfred, lui imposant des travaux humiliants à la moindre incartade. S’il apparait vite comme un personnage déplaisant, il est aussi capable d’actes de courage, comme lors de la prise éclair du fort par les allemands (un passage très bien retranscrit dans la série), où il sauve des flammes Louise, la petite fille de l’officier en charge de la défense des lieux. Cependant, lorsque les soldats survivants sont ensuite transférés au stalag XIB de Fallingbostel en tant que prisonniers de guerre, George révèle sa nature cynique et profondément amorale: il choisit de collaborer avec les nazis et n’hésite pas à dénoncer ses compagnons en échange de privilèges.

Alors qu’il est en charge du courrier, il intercepte les missives adressées par Helena à George et les brûle, plongeant ce dernier dans le désarroi de n’avoir aucune nouvelle de sa fiancée, lui qui n’hésite pas à s’aventurer sur un champ de mine pour cueillir une plante aromatique afin de la lui envoyer. Les épisodes se déroulant au stalag sont les plus prenants de la série, selon moi. ils mettent bien en évidence la Flamenpolitik  d’Hitler, déjà mise en œuvre lors de la première guerre  mondiale. Celle-ci consistait à accorder un traitement de faveur à la population belge flamande, au détriment des wallons, afin de diviser pour mieux régner. En l’occurrence, suivant cette doctrine, les soldats flamands séquestrés au stalag devaient être rendus à la liberté en priorité.

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C’est au stalag que deux événements centraux dans l’intrigue du feuilleton se déroulent. Jacques Marchoul, qui cherche à se faire passer pour un flamand auprès des militaires allemands, voit son subterfuge éventé par George qui en informe les nazis. Il en conçoit une rancune tenace à son encontre. Peu après, Alfred meurt dans des circonstances mystérieuses. Que savaient George et Thieu, seuls membres survivants du quatuor à revenir à Hasselt suite à leur libération anticipée, à propos de cette disparition? C’est la grande question que se pose Alessandra, dont les recherches finiront par révéler une sombre réalité.

De plus, Alessandra cherche à dissiper les mystères entourant le passé d’Helena, en particulier ses agissements lors de l’occupation, où les de Keyser ont dû héberger des militaires nazis. Alors qu’Anna, une amie d’Helena, a alors une liaison avec un officier allemand et ne s’en cache pas, quels ont été les rapports entre la jeune distillatrice et Klaus Brück, un soldat qui la courtisait et fut retrouvé assassiné à bout portant peu après?

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La série parvient à entretenir le suspense en distillant peu à peu des révélations sur le passé des protagonistes. L’enquête d’Alessandra constitue le fil rouge du récit: elle est secondée dans ses investigations par Ruben, un descendant d’Alfred, passionné d’Histoire et de généalogie, qui a bientôt une liaison avec elle, sous l’œil désapprobateur d’Helena. Un autre arc narratif digne d’intérêt est  l’évolution des relations entre George et Helena en tant qu’époux, au cours des décennies suivant la deuxième guerre mondiale.

George (incarné à l’âge mûr par Vic de Wachter) s’avère vite posséder bien des travers: non seulement il ment effrontément à propos de ses agissements lors du conflit et trompe sa femme, mais en plus il se livre à toutes sortes de malversations (dont la contrebande d’alcool frelaté) et menace de ruiner la réputation de la maison de Keyser par des projets commerciaux aventureux. On peut regretter que ce personnage, essentiellement négatif, ne bénéficie pas d’une personnalité au développement plus nuancé. En fait, dans la série, seule Helena est dotée d’une psychologie complexe et ambiguë, même si, j’en conviens, Jacques Marchoul et Thieu Verdin sont dépeints avec une certaine finesse.

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Thieu est un personnage intrigant, qui aurait mérité d’avoir un rôle plus prépondérant dans la fiction. A l’époque actuelle, c’est un vieil homme hanté par les traumatismes de la guerre, dont il ne s’est jamais vraiment remis. Il construit de manière obsessionnelle des maquettes reconstituant les champs de bataille de 39-45 et a un comportement social excentrique, en plus d’être en proie à des accès de délire paranoïaque.  Jacques Marchoul, autre protagoniste masculin intéressant, est un filou patenté doublé d’un manipulateur retors, mais dans le fond pas franchement antipathique. Ses relations ambivalentes avec Helena pimentent la seconde moitié de la série.

Cependant, à côté de cela, il y a quelques intrigues secondaires moins réussies: par exemple, on suit le parcours de Martine, la fille d’Helena, dont les mésaventures sentimentales peinent à captiver. Martine est souvent en conflit avec sa mère, dont elle ne partage pas les vues conservatrices quant à la gestion de la distillerie familiale. De surcroît, il y a un problème à l’écran concernant l’aspect physique du personnage à l’époque actuelle: l’actrice est visiblement trop jeune pour le rôle, nuisant à la crédibilité de sa prestation.

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En définitive, De smaak van De Keyser est une série qui brasse suffisamment de thématiques pour demeurer prenante de bout en bout. J’ai trouvé que la première moitié des épisodes était quand même plus passionnante que la seconde, surtout grâce à l’évocation des années de guerre, propices à des développements palpitants et à des scènes d’une grande intensité dramatique. Le choix de naviguer constamment entre diverses périodes permet de montrer comment des comportements présents peuvent faire écho aux évènements passés et d’établir un mode narratif non linéaire, cependant les transitions entre époques ne sont pas toujours opérées avec subtilité. Néanmoins, la distribution est de bonne tenue et la réalisation, sans être exceptionnelle, est de qualité honorable, le budget étant suffisant pour proposer des décors variés et détaillés. Il est à noter que le dernier épisode est assez intense et réserve un rebondissement final peu prévisible, jetant une lumière nouvelle sur un passé tragique. Malgré quelques réserves quant à la conduite du scénario, ce fut pour moi un visionnage agréable et riche d’enseignements sur l’Histoire récente de nos voisins d’outre-Quiévrain.

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Quiz me quick (Belgique, 2012)

19 lundi Jan 2015

Posted by Greg in Série

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Bart de Pauw, humour belge, Série belge

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Série de 10 épisodes présentée l’année dernière au festival Séries Mania où le pilote ne passa pas inaperçu, très populaire en Belgique flamande, récompensée au Banff World Media festival, un générique mémorable qui détourne un tube d’Elvis Presley… Tout cela a éveillé ma curiosité, d’autant plus que le thème de la série m’intéresse particulièrement: les quiz de culture générale. Ceux-ci sont très en vogue chez nos amis belges, où de nombreux concours sont organisés chaque année. L’histoire narre le parcours de cinq compétiteurs formant une équipe pour prendre part aux différentes rencontres, avec pour ambitieux objectif de participer un jour au  Superprestige, un tournoi opposant les équipes d’élite ayant récolté le plus de points lors des divers tournois.

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Le groupe est composé de Nick, un jeune en recherche d’emploi dont la petite amie travaille dans un salon de coiffure où est également pratiqué le toilettage canin; Roger, agent fiscal pointilleux et vétéran à la vaste culture qui eut autrefois une expérience cuisante lors d’une participation à un jeu télé ( IQ Kwis); Armand, spécialiste de l’histoire ancienne mais qui peine à masquer ses lacunes dans d’autres domaines du savoir; Luc, photographe et fan de foot, dont l’épouse voit son hobby pour les quiz d’un mauvais œil; Lennon, handicapé mental et illettré mais un expert en culture musicale. Ils forment une équipe performante du nom de Table sept, devant mener de front des vies personnelles compliquées et l’entraînement à des compétitions relevées, où leurs grands rivaux, la redoutable équipe Coromar n’a de cesse de multiplier les coups bas pour les faire trébucher.

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Le scénario, écrit par Bart de Pauw, se révèle plein d’humour et parvient parfaitement à exploiter son sujet en tissant des intrigues autour de chaque compétition à laquelle concourt Table sept, se déroulant le plus souvent dans des patelins de la Belgique profonde. De plus, chacun des membres de l’équipe est très bien campé et est le protagoniste d’une histoire intrigante, parfois liée à un passé trouble. Ces développements donnent une singulière épaisseur à ces personnages, et le téléspectateur n’aura aucun mal à s’identifier à l’un ou à l’autre. Je dois dire également que, ayant moi même été membre d’un club de jeu de questions/réponses, j’ai trouvé une certaine authenticité à la série, aussi bien dans les portraits de joueurs que concernant l’ambiance des compètes, souvent conviviales mais où la concurrence est parfois âpre, pour au final remporter des lots en général très modestes.

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Les questions posées lors des rencontres présentées à l’écran ne concernent pas uniquement la culture spécifiquement belge, rendant le programme accessible à un vaste public (cependant, sans surprise, les questions du Superprestige sont très pointues). Quiz me quick est un concentré de belgitude: l’humour est souvent décalé, voire absurde, les personnages colorés et les références à la culture flamande abondent dans les dialogues. Hormis les situations burlesques, la série réserve quelques moments dramatiques chargés d’émotion (en particulier lors des scènes entre Luc et son père, ancien photographe devenu aveugle). Les intrigues ne sont pas pour la plupart prévisibles, à cet égard l’épisode final a une issue assez surprenante et n’hésite pas à prendre le contrepied des attentes du spectateur.

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A l’instar de Detectorists qui montrait l’an dernier la vie d’anglais moyens ayant pour hobby la détection de métaux, Quiz me quick dresse une galerie de portraits de belges ordinaires qui cherchent à s’extraire d’un quotidien décevant par le jeu et un insatiable appétit de savoir. Cette fiction est un régal à suivre et constitue un de mes meilleurs visionnages de ces derniers mois. J’avais déjà eu un aperçu de l’excellent humour de la télévision belge en regardant des épisodes de Buiten de zone, une comédie des années 90 encore plébiscitée de nos jours (je vous en reparlerai dans un prochain billet). Quiz me quick est une réussite du même calibre. Sans compter que vous y découvrirez quelques curiosité animales: le chien nu du Mexique (alias le xoloitzcuintle) ou encore le cheval de Paris. En regardant la série, vous comprendrez à quoi je fais allusion.

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