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Fangar [saison 1] (Islande, 2017)

12 jeudi Oct 2017

Posted by Greg in Série

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Drame familial, Gisli Gardarsson, Halldóra Geirharðsdóttir, Kópavogur, Kristbjörg Kjeld, Nína Dögg Filippusdóttir, prison de femmes, Ragnar Bragason, série carcérale, Série islandaise, Sigurður Karlsson, Steinunn Ólína Þorsteinsdóttir, suspense judiciaire, Thora Bjorg Helga, Unnur Ösp Stefánsdóttir

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Les séries carcérales se déroulant dans une prison pour femmes sont très à la mode dernièrement: Orange is the new black (USA), Capadocia (Mexique), Unité 9 (Québec), Wentworth (Australie)…pour ne citer que celles qui me viennent à l’esprit. La première saison de Fangar comporte 6 épisodes d’une cinquantaine de minutes. C’est la dernière création de Ragnar Bragason à qui l’on doit le triptyque de comédie noire Næturvaktin / Dagvaktin / Fangavaktin (cette dernière avait pour cadre une prison pour hommes) ainsi qu’Heimsendir, une étonnante histoire se déroulant dans un asile d’aliénés (voir des articles à ce propos ici et là). Après ces fictions mémorables, il est certain que Fangar était très attendue. Si la série ne déçoit pas, elle n’a cependant pas l’originalité de ses précédentes œuvres télévisuelles. 

Sur un scénario de Nína Dögg Filippusdóttir et Unnur Ösp Stefánsdóttir, il s’agit d’une description de l’univers pénitentiaire islandais qui se veut proche du réel et pointe l’inadaptation des peines pour certaines détenues, tout en développant une intrigue judiciaire à suspense. Bien entendu, la série qui s »en rapproche le plus est Unité 9, mais cette dernière pèche par son format fleuve et l’étirement de son récit. Fangar, bien plus concise, constitue une bonne alternative pour qui n’a pas le temps ni l’envie de visionner une kyrielle d’épisodes sur ce thème.

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Linda (Thora Bjorg Helga) vient de laisser son père dans le coma après l’avoir frappé violemment avec un club de golf. Elle est rapidement arrêtée et incarcérée dans la prison pour femmes de Kópavogur (dans la réalité, cet établissement a été fermé récemment, la série y a été tournée alors qu’il n’y avait plus de prisonnières sur les lieux). Son père Thorvaldur (Sigurður Karlsson) est un homme d’affaires et un politicien influent. Son comportement envers sa petite-fille Rebekka (Katla Njálsdóttir) était répréhensible, il lui faisait des attouchements sous la douche et la terrorisait. Linda, témoin de ses agissements, ne l’a pas supporté: sa confrontation musclée avec lui a mal tourné, le destin de la jeune femme étant désormais suspendu à l’hypothétique survie de son détestable géniteur. Elle se retrouve en tôle, à devoir partager le quotidien d’un groupe de détenues au caractère parfois difficile voire violent. Ce qui frappe d’emblée dans son attitude, c’est sa volonté de sauver les apparences, de nier par son attitude sa condition de femme incarcérée: elle se maquille avec soin et s’habille avec élégance, se montre hautaine avec le personnel de la prison et les codétenues, suscitant rapidement une certaine inimitié à son endroit.

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L’un des personnages les plus marquants de la prison est Ragga (jouée par la scénariste Nína Dögg Filippusdóttir), une femme au comportement de caïd, rendue dure par les épreuves de l’existence. Ragga a une aversion pour Linda, la trouvant trop prompte a juger les autres prisonnières et s’agaçant de ses airs dédaigneux. Son influence sur les autres détenues lui permet de rendre la vie de Linda difficile: celle-ci reçoit un coup de boule, une des détenues urine sur son lit et pend dans sa cellule une  poupée à son effigie sur laquelle est punaisé un message injurieux. Mais progressivement, les relations entre Linda et ses compagnes d’infortune s’adoucissent, elle finit par devenir plus accommodante et serviable et à gagner un semblant d’estime. Les scénaristes ont heureusement évité de sombrer dans une surenchère de violence, préférant donner plus de profondeur aux protagonistes et livrer quelques scènes émouvantes de fraternisation. Ragga apparaît au fil des épisodes sous un jour plus sympathique, comme une mère qui s’inquiète du devenir de sa fille Diljá, une adolescente rebelle sur laquelle elle n’a plus aucune prise, suscitant en elle un sentiment de rage impuissante.

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L’interprétation de Steinunn Ólína Þorsteinsdóttir dans le rôle de Didda est impressionnante. Elle dégage une impression de force brutale, de menace latente, accentuée par un déséquilibre mental qui transparaît par instants. Didda est une taiseuse aux manières frustes, capable de pulsion violentes (sous le coup de la colère, elle frappe sans réfléchir) mais à la longue on se rend compte qu’elle est capable d’empathie et qu’elle est surtout malheureuse, victimes de troubles psychologiques qui l’ont conduite dans ce lieu de détention inadapté pour elle. Lorsque Linda, qui avait échangé le matelas douteux qui lui avait été attribué d’office contre un confortable matelas neuf, le lui offre pour soulager ses douleurs de dos, elle lui est reconnaissante et dès lors la considère avec respect.

Un autre personnage peut être rapproché de Didda: la doyenne des détenues Lóa (Margrét Helga Jóhannsdóttir), très discrète mais qui gagne en épaisseur au fil des épisodes. On découvre que c’est une femme brisée par les violences subies par le passé. Protectrice, elle peut manifester une affection sincère envers les autres prisonnières, mais aussi avoir un comportement hyper agressif pour les défendre (lorsqu’une visiteuse se montre odieuse envers une des détenues, elle menace de se jeter sur elle, armée d’un couteau de cuisine). Lóa et Didda, par leur imprévisibilité, pimentent l’intrigue de la série.

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La détenue qui, dès le départ, est la plus proche de Linda est Brynja (Unnur Ösp Stefánsdóttir), une blonde enjouée et très amicale, mais qui a une mauvaise influence sur Linda, une toxicomane notoire, l’incitant à poursuivre la prise de drogue à l’intérieur de la prison en lui indiquant les astuces pour déjouer les contrôles opérés par les matonnes et la conduisant même à une overdose. Brynja est insouciante et semble peu consciente des conséquences graves de ses actes. Elle peut aussi se montrer d’une naïveté confondante, comme lorsqu’elle entend à la radio l’annonce d’un jeu permettant de gagner des places à un concert de son groupe favori: voulant participer, elle appelle la radio depuis la prison, avant qu’une gardienne ne l’oblige à raccrocher. C’est aussi un personnage tragique: dans les derniers épisodes, elle sort de prison mais sa famille refuse obstinément de la voir; rejetée par les siens, elle sombre dans la dépression et meurt sans avoir pu donner à son fils le pull qu’elle avait patiemment tricoté en pensant à lui lors de sa détention. On retrouve le thème classique des difficultés de la réinsertion, déjà présent dans d’autres séries, Unité 9 par exemple.

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La partie de l’histoire se déroulant à l’extérieur de la prison et mettant en scène la famille de Linda est tout aussi intéressante. Herdís, sa mère (Kristbjörg Kjeld), éprouve toujours de l’affection pour elle et reste en contact, même si elle a des difficultés à communiquer avec sa fille, qui rejette l’apitoiement qu’elle manifeste à son égard. Herdís est une femme généreuse qui est membre active d’une association de bienfaisance, qu’elle convainc d’agir pour le bien-être des prisonnières en leur offrant des objets propres à améliorer leur quotidien.

La sœur aînée de Linda, en revanche, lui est hostile: Valgerður (Halldóra Geirharðsdóttir) mène une ambitieuse carrière politique et considère Linda comme un obstacle à ses aspirations, comme le mouton noir de la famille pouvant nuire à son image publique. Elle ne consent à lui apporter aucun soutien, jugeant qu’elle doit assumer seule les conséquences de ses actes. En bisbille avec les dirigeants de son parti, elle a décidé de faire cavalier seul et de fonder un nouveau parti composé uniquement de femmes. A l’approche des élections, la période est cruciale et elle cherche à étouffer l’affaire de l’agression de son père, en faisant pression sur une journaliste, Eyja Marín (Kristín Þóra Haraldsdóttir) pour qu’elle cesse d’écrire des articles à sensation à ce propos. Valgerður apparait comme un personnage foncièrement individualiste, faisant passer sa réussite personnelle avant sa famille. Elle a une attitude quelque peu contradictoire: d’un côté elle défend les droits des femmes dans ses discours, mais de l’autre elle est prête à fermer les yeux sur les soupçons de maltraitance pesant sur son père Thorvaldur.

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Les protagonistes masculins de la série sont en retrait, mais quelques uns se remarquent tout de même: outre les anciens associés du père de Linda au cours de sa longue carrière politique, aujourd’hui en conflit avec Valgerður, deux autres se détachent particulièrement. Ásbjörn (Gisli Gardarsson) est l’avocat de Linda. Cette dernière ne l’apprécie guère à cause de son attitude cynique et détachée. Il a un passé trouble d’avocat marron, que Valgerður exploite pour le contraindre à orienter sa défense en faveur de ses propres intérêts (elle ne veut pas que lors de sa plaidoirie, il présente sa sœur comme frappée de démence au moment du drame). Il n’est pas franc avec Linda, lui dissimulant ses intentions et ne constitue pas pour elle un véritable allié.

L’autre personnage masculin qui joue un rôle non négligeable est Breki (Björn Thors): employé à la prison pour apporter une aide psychologique aux détenues, il organise des réunions d’alcooliques anonymes où il encourage les femmes à partager leurs tourments passés et présents. Il sympathise avec Linda, lui offre des romans à lire, avant de devenir son amant secret, faisant fi de toute déontologie. Lui même est alcoolique et mène une existence de paumé et n’est donc pas vraiment quelqu’un de secourable pour Linda. L’isolement de cette dernière est patent, son seul soutien à l’extérieur de la prison est provient de sa mère, mais elle repousse par fierté sa main tendue.

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A partir de l’épisode 5, on suit le procès de Linda qui réserve quelques temps forts. L’épisode final s’achève par un coup de théâtre pouvant servir de point de départ à une seconde saison prometteuse, mais encore incertaine à l’heure actuelle (même si Ragnar Bragason souhaite qu’elle voie le jour). Globalement, cette première saison, diffusée par la chaîne publique RÚV est fort bien construite, même si la multitude de personnages secondaires (que je n’ai pas évoqués pour la plupart) peut embrouiller le téléspectateur. La réalisation est d’un niveau très correct, le générique singulier est accompagné par une chanson de Chelsea Wolfe (After the fall) dont les sonorités font irrésistiblement penser à du Björk, tandis que la série offre quelques beaux décors, en particulier la majestueuse église luthérienne de Reykjavik, la Hallgrímskirkja et ses magnifiques vitraux.

J’ai déjà souligné les similitudes avec Unité 9, mais au delà du scénario, les infrastructures carcérales sont comparables dans les deux séries: les détenues partagent une maisonnette où elles peuvent faire la cuisine, elles disposent même dans Fangar d’un jardin attenant et sont autorisées à recevoir des visites de leurs familles et de leurs enfants (s’ils le souhaitent). La différence principale est une question de dimensions: dans la série islandaise, la prison ne peut accueillir que 12 femmes, celle d’Unité 9 est bien plus vaste. Ce qui ressort de la série, c’est une sensation claustrophobique d’isolement, le fait que ces femmes sont surtout présentées comme des victimes dont  le seul remède au mal-être qui leur est offert est la prise de sédatifs, sans rien leur proposer par ailleurs pour tenter de les aider à se reconstruire sur le long terme. Fangar pose donc un regard critique et sans concessions sur le système carcéral islandais, même s’il est évident que celui-ci est bien moins coercitif que dans beaucoup d’autres contrées. Un sujet de société sensible qui, on l’espère, sera approfondi lors d’une seconde saison.

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Počivali u Miru [saison 1] (Croatie, 2013)

24 jeudi Août 2017

Posted by Greg in Série

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Buga Zuparic, cold cases, Croatie, Dragan Despot, HRT, Ivan Ozegovic, Jasna Odorcic, Journalisme, Judita Frankovic, Miodrag Krivokapic, Nada Gacesic, série carcérale, Zijad Gracic

 

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Encore une nouvelle destination cette semaine: la Croatie, un pays qui produit depuis quelques années des séries de bon niveau qui se font remarquer dans les festivals. Malheureusement, bien peu disposent de sous-titrages à ce jour, cependant c’est le cas de la première saison de Počivali u miru (titre anglais: Rest in Peace), diffusée en 2013 par HRT (Hrvatska Radiotelevizija). Les 12 épisodes qui la composent, d’une durée de 45 minutes, sont autant d’aperçus de la société croate des dernières décennies, à travers une fiction carcérale où se succèdent des histoires d’anciens prisonniers disparus, le plus souvent tragiques voire poignantes. Le budget étant très restreint, la réalisation (de Goran Dkic, Kristijan Milic et Goran Rukavina) est loin d’être impressionnante, mais la série tire sa qualité de la force de son écriture, ainsi que de l’attachant duo d’enquêteurs dont nous suivons les investigations. Le générique est bizarre et vaguement inquiétant: sur une musique lancinante de Davor Devcic, on y voit des morts se relever de leurs tombes dans les allées tâchées de sang d’un cimetière. Après cette entrée en matière peu engageante, et malgré l’austérité des décors, la série est une bonne surprise, égrenant des scénarios captivants et d’une grande noirceur.

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Lucija Car est une jeune journaliste de télévision (interprétée par Judita Frankovic) envoyée par sa chaîne effectuer un reportage sur une prison désaffectée des environs de Zagreb, Vukovscak. Construit il y a une centaine d’années, c’est le plus ancien établissement pénitentiaire de Croatie, aujourd’hui en passe d’être détruit. Il accueillait des détenus des deux sexes, dans des bâtiments séparés. En visitant ce lieu décrépit à l’atmosphère lugubre, Lucija découvre dans un terrain attenant un cimetière où reposent les prisonniers morts en détention et non réclamés par leurs familles. Sur les croix impersonnelles ne figurent que des numéros, ce qui aiguillonne sa curiosité, la poussant à découvrir les identités de ceux qui ont été enterrés ici, ainsi que leur parcours de vie et les causes de leurs décès.  Lors de son arrivée, des ouvriers exhument lors de travaux d’excavation un faux cadavre en paille qui reposait au fond d’une fosse. Intriguée par le fait qu’un prisonnier s’est visiblement fait passer pour mort en bénéficiant de complicités, Lucija consulte les registres des personnes enterrées et constate que ce taulard évaporé, connu sous le nom de Zdenko Jurkovic, a un passé trouble d’informateur des services secrets et a bénéficié d’un faux certificat de décès pour une raison mystérieuse.

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Lucija obtient l’aide d’un ancien maton, Martin Strugar (Miodrag Krivokapic), un paisible retraité qui connait l’histoire de la prison comme sa poche et se souvient avec netteté des détenus qu’il a côtoyé quotidiennement. Martin était un gardien à poigne, qui n’hésitait pas à manier la matraque, mais aujourd’hui il semble bien inoffensif, passant son temps à construire des maquettes de bateaux et à jouer aux échecs. Mais sous ses airs débonnaires, il est hanté par un terrible secret, quelque chose d’inavouable qu’il a commis dans l’exercice de ses fonctions et qu’il refuse obstinément de confier à la jeune femme. Ses relations avec Lucija sont par ailleurs très amicales, les deux s’estiment mutuellement et se complètent bien.

Ensemble, ils vont collaborer pour déterrer le passé des morts anonymes et réaliser un reportage sur chacun d’eux, pour qu’ils sortent enfin de l’oubli. La journaliste et son compère s’avèrent d’une efficacité redoutable, mettant au jour des faits douloureux que certains préféreraient ne pas voir ressurgir. Lucija fait vite l’objet de pressions pour la contraindre à interrompre ses recherches, elle reçoit des lettres de menaces anonymes, mais elle ne se laisse pas intimider. De plus, la direction de la chaîne de télé qui l’emploie décide de la suspendre de ses fonctions, jugeant son travail d’investigation morbide et indécent. Malgré tout, elle poursuit obstinément ses enquêtes, poussée par le désir ardent de faire éclater la vérité sur les disparus.

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Chaque épisode de la série explore le passé d’un détenu en particulier, en multipliant les flashbacks pour dévoiler peu à peu des pans de leur parcours. Parallèlement, les liens de Lucija avec sa famille son abordés brièvement. Ses relations  avec sa mère Katja (Jasna Odorcic) sont houleuses, celle-ci lui reproche de fumer comme un sapeur et semble lui cacher des choses à propos du décès tragique de son père. Elle a cependant beaucoup d’affection pour son frère handicapé Goran (Ivan Ozegovic), qui lui apporte son soutien moral. Lucija est par ailleurs l’amante de Boris Drobnjak, un riche politicien qui trempe dans des affaires louches. Elle est aussi courtisée par Branko, un inspecteur de police (incarné par Zijad Gracic) qui lui fournit à l’occasion de précieux renseignements sur le background des anciens prisonniers.

L’entourage de Martin est plus restreint. On apprend au cours de la saison qu’il a eu une fille prénommée Lijana, mais il se montre élusif lorsqu’on lui demande ce qu’elle est devenue. Il rend parfois visite à une amie, une ancienne matonne, Josipa (Nada Gacesic) qui n’était pas un modèle d’intégrité parmi les gardiennes (elle n’hésitait pas à demander de l’argent aux détenus en échange de ses services) mais est devenue une aimable vieille dame. Les mystères du passé tourmenté de Martin, ainsi que l’identification de l’énigmatique collaborateur des services secrets qui s’est fait passer pour mort et aurait commandité un assassinat au sein même de l’établissement (Jurkovic) constituent les fils rouges de la série.

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Chaque épisode narre une histoire spécifique, le tout formant un ensemble très varié. Le second épisode relate le destin tragique d’une jeune danseuse de bar, Irena Lolic, dite Lola, qui s’est suicidée en avalant du verre pilé après avoir été constamment exploitée durant sa courte vie d’adulte. Dès le troisième épisode, le contexte politique est très présent avec l’histoire de Predrag, un prisonnier qui dut son incarcération à un sombre complot dont il fut la victime innocente et qui fut battu avant d’être égorgé par des codétenus parce qu’il était serbe (le drame se déroulait à l’époque de la guerre d’indépendance de la Croatie). Martin, qui s’était pris d’amitié pour le pauvre homme, s’en prit alors violemment à ses bourreaux.

Le quatrième épisode apporte un éclairage sur les conditions de vie difficiles des plus modestes dans les années 90. C’est l’histoire de deux copines, Diana et Sara, détenues suite à un braquage raté. Les deux femmes, caissières de supermarché, ont basculé dans le banditisme car elles ne parvenaient pas à survivre avec leurs maigres revenus, mais une fois en détention, elles sont séparées avant que l’une d’elles décède inopinément, plongeant l’autre dans un profond désarroi

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L’épisode 5 nous transporte à l’époque où la Croatie était une république socialiste. Le détenu dont il est question, Marko, a été victime d’une méprise. Il a été arrêté car il a été confondu avec un homonyme, suspecté d’anticommunisme et de comportement antiétatique. Marko clame qu’il y a eu erreur sur la personne, mais on ne l’écoute pas. Pire: lors d’un interrogatoire musclé, il tue accidentellement le flic qui voulait le tabasser, plongeant ainsi involontairement dans la criminalité, avant qu’un autre détenu ne lui fasse la peau.  Comme dans d’autres épisodes de la série, le malheureux détenu est victime de la malchance et sa situation est le comble de l’injustice.

Dans le sixième épisode, le défunt, un certain Dukic, s’est suicidé en prison en sautant du toit d’un bâtiment. Il a été puni pour avoir trempé dans une arnaque, un système de vente pyramidale qu’un homme d’affaires véreux lui avait présenté comme un moyen sûr et légal de gagner de l’argent. Dukic a payé cher sa naïveté, une fois en prison sa famille s’est détournée de lui et son épouse a demandé le divorce. En arrière-plan, cette histoire pointe les abus du capitalisme dans les années 90, une période de libéralisation effrénée qui vit émerger nombre de profiteurs sans scrupules.

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L’épisode 7 a un sujet un peu plus léger, éloigné de toute préoccupation politique. Il s’agit d’un crime passionnel commis en prison. Le détenu, Pero, était un grand séducteur et a entrepris de faire la cour à une matonne, tout en continuant de fréquenter d’autres femmes. Mal lui en a pris.  L’épisode suivant voit Lucija enquêter sur un autre meurtre en détention, commis à l’encontre de Danijel Dragun, un membre du parti démocrate croate qui fut emprisonné pour détournement de fonds publics. La journaliste découvre qu’il fut en réalité un bouc émissaire et que des pontes de son parti étaient impliqués jusqu’au cou dans une nébuleuse affaire de trafic d’armes, où le sulfureux Zdenko Jurkovic refait enfin surface (ce personnage inquiétant est incarné par Dragan Despot).

Le neuvième épisode est une histoire de vengeance par le sang. Bekim Halijaj s’est arrangé pour se faire incarcérer, avec pour objectif de tuer un skinhead en prison pour avoir tabassé à mort, avec sa bande, son ami homosexuel. Mais une fois son forfait accompli, il est lui même l’objet d’une vendetta sans pitié. Cette intrigue souligne les dérives du communautarisme et dénonce la persistance de l’homophobie en Croatie, certes présentée ici sous son aspect le plus extrême.

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C’est à nouveau une pure victime qui nous est présentée dans l’épisode 10. Dario Marek était un jeune détenu de 18 ans, dépressif, il s’est pendu dans sa cellule. Il avait été accusé d’avoir écrasé un piéton au volant de sa voiture, alors que c’était un de ses potes qui conduisait alors qu’il était endormi à l’arrière du véhicule. Comble de malchance, un témoin a fait un faux témoignage en sa défaveur, le laissant dans un total désarroi, avec le sentiment d’avoir été trahi par celui qui se prétendait son ami le plus cher. Une fois de plus, une histoire tragique et déprimante.

Les deux derniers épisodes offrent des intrigues intenses, mais au prix de coïncidences parfois difficiles à avaler. En effet, les proches de Lucija se trouvent successivement impliqués dans les affaires sur lesquelles portent ses investigations. Dans le onzième épisode, Juraj Hrenovic, employé senior d’une société financière, a été coffré pour fraude avant de périr de mort naturelle en prison. Il a fait office de fusible et a payé pour les malversations d’un supérieur hiérarchique. Nikola Car, journaliste et défunt père de Lucija, a à l’époque enquêté à sa demande et décéda peu après d’une attaque dans des circonstances troublantes. De plus, il apparaît que le petit ami de Lucija, Boris, était impliqué dans ce scandale financier, emblématique des privatisations sauvages de l’ère postcommuniste.

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Enfin, l’ultime épisode de la saison, le plus dur est le plus émouvant, fait la lumière sur les ombres du passé de Martin et les circonstances de la disparition de sa fille Ljiljana (Buga Zuparic). C’est une remarquable étude psychologique portant sur l’incompréhension entre un père protecteur et une fille avide de s’émanciper de la tutelle parentale. Comme d’habitude, il ne faut pas compter sur un happy end, la série est résolument pessimiste, de bout en bout.

Le portrait de la société croate (en particulier durant des années 1990) que dresse la fiction est sans concessions: prévalence de la pauvreté, du désenchantement, dérégulation brutale ayant entrainé la multiplication des fortunes douteuses, corruption et malversations omniprésentes.  De plus, d’une façon surprenante, la série dénonce le racisme anti-serbe exacerbé des ultranationalistes. Počivali u miru appuie là ou ça fait mal, tout en présentant des protagonistes principaux dotés de qualités humaines certaines. En particulier, Martin Strugar a une personnalité intéressante: il fut loin d’être un saint au cours de sa carrière, ne maitrisant pas toujours ses pulsions violentes, mais a gagné en humanité en prenant de l’âge, posant un regard critique, non dénué de remords, sur l’homme qu’il a été. Les nombreux flashbacks permettent de bien se rendre compte de l’évolution de sa mentalité. Lucija, de son côté, ne sort pas indemne de ces enquêtes, les détenus ayant subi un triste sort finissant par hanter ses cauchemars, mais gagne en lucidité et en empathie. Je n’ai pas encore vu la seconde saison mais j’espère qu’elle aura su conserver l’ âpreté et l’intelligence aiguë de la première, même si quelques épisodes plus souriants et légers ne seraient pas de refus, de temps en temps.

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